La prise d’acte de rupture

Dernière modification : 5 décembre 2022
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Révisé le 5 décembre 2022

Le salarié qui considère que les manquements de l’employeur rendent impossible la poursuite du contrat de travail peut prendre acte de la rupture de celui-ci. Le contrat de travail est immédiatement rompu.

Définition

La prise d’acte est un mode de rupture du contrat de travail par lequel le salarié met un terme aux torts de son employeur, les manquements reprochés à celui-ci rendant, selon lui, impossible la poursuite des relations contractuelles : non versement de la rémunération, non fourniture du matériel nécessaire à l’exécution des tâches demandées, défaut d’organisation de la visite médicale à l’issue d’un arrêt maladie, etc.

Autrement dit, le salarié prend ainsi l’initiative de la rupture mais en impute, à tort ou à raison, la responsabilité à l’entreprise.

Il doit ensuite saisir le conseil de prud’hommes afin de faire requalifier cette rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul, de manière à obtenir le paiement des indemnités afférentes à cette rupture et, le cas échéant, de pouvoir solliciter le bénéfice de l’assurance chômage.

Si les faits reprochés sont avérés, la prise d’acte aura les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si c’est l’inverse, elle aura les effets d’une démission.

La prise d’acte n’est pas forcément incompatible avec la réalisation du préavis par le salarié. Prise d’acte de rupture ne rime pas toujours avec brusque rupture; l’employeur aura en tout cas beau jeu dans le courrier d’accusé réception (voir infra) de remettre en cause sinon la réalité en tout cas la gravité des faits prétendument fautifs justifiant aux yeux du salarié la rupture de son contrat.

Différence avec l’action en résiliation judiciaire

A la différence de la prise d’acte, l’action en résiliation judiciaire ne rompt pas immédiatement le contrat de travail. Le salarié poursuit l’exécution de son contrat jusqu’au délibéré du conseil des Prud’hommes. Si les juges estiment que les griefs ne sont pas fondés, le contrat de travail se poursuit aux conditions antérieures.

Effets de la prise d’acte

Les juges analyseront les griefs exposés par le salarié et feront produire à la prise d’acte les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (voire d’un licenciement nul), soit d’une démission.

La prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse

Lorsque les faits invoqués par le salarié sont établis et justifiaient la rupture du contrat de travail, celle-ci produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans ce cas, le juge accorde au salarié qui le demande une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, une indemnité compensatrice de congés payés, l’indemnité de licenciement et les dommages et intérêts auxquels il aurait eu droit en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse selon le barème d’indemnisation fixé par les dispositions légales.

La prise d’acte produisant les effets d’une démission

Lorsque la prise d’acte n’est pas justifiée, elle produit les effets d’une démission. Dans cette hypothèse, le salarié ne perçoit ni indemnité de licenciement, ni indemnité compensatrice de préavis, ni dommages et intérêts, ni allocations chômage. Il a droit à une indemnité compensatrice pour les congés payés non pris, les droits à congés devant être calculés à la date à laquelle le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

L’employeur peut réclamer au salarié l’indemnité compensatrice de préavis de démission, dont le montant correspond à la rémunération du salarié pour la durée du préavis non effectué.

Quelle attitude adopter ?

La prise d’acte entraine la rupture du contrat. Inutile donc de refuser de considérer le contrat de travail comme rompu et à mettre le salarié en demeure de réintégrer immédiatement son poste et d’envisager son licenciement. D’une part « rupture sur rupture ne vaut » et en plus cette réaction n’est pas opportune. En effet :

  • si les faits reprochés par le salarié sont suffisamment sérieux pour caractériser une brusque rupture du contrat imputable à l’employeur. Il serait alors trop tard pour régulariser la situation. Pour régler le litige, c’est plutôt la voie de la transaction qu’il vaudrait explorer dans ce cas ;
  • si les faits reprochés sont insuffisants pour caractériser cette brusque rupture. Il y a peu de risques à entériner la rupture, puisque dans de telles circonstances, elle ne semble pouvoir produire que les effets d’une démission. Compte tenu des conséquences pécuniaires liées à la condamnation au remboursement de l’indemnité compensatrice de préavis (voire aux dépens), cela pourrait par ailleurs être de nature à dissuader le salarié de saisir la juridiction prud’homale. Ce qui n’empêche pas l’entreprise de demander une telle réparation lorsque le salarié, manifestement de mauvaise foi, invoque des griefs fantaisistes ;
  • si la prise d’acte sert d’alibi au salarié pour quitter l’OGEC sans effectuer son préavis: refuser de considérer le contrat de travail comme rompu, le mettre en demeure de réintégrer immédiatement son poste et le licencier ensuite pour faute grave aurait pour conséquence de le libérer ainsi de tout préavis, ce qui était précisément le but initialement recherché par l’intéressé.

Quel que soit le cas de figure, il est donc plutôt conseillé d’accuser réception de la prise d’acte et d’en tirer immédiatement les conséquences en soldant le compte du salarié et en mettant à sa disposition son attestation pôle emploi et son certificat de travail.

Il est judicieux, dès ce stade, de contester la réalité et/ou le sérieux des griefs invoqués par le salarié en lui rappelant au passage les conséquences pécuniaires auxquelles il s’expose. Ce qui peut être de nature à le dissuader de saisir la juridiction prud’homale.

Enfin, il convient, le cas échéant, de lui rappeler les autres obligations éventuellement imposées par son contrat de travail : telles que, par exemple, une clause de non-concurrence ou une clause de dédit formation. Quand bien même celles-ci ne viseraient expressément que les cas de démission, le salarié n’est en effet pas libéré de ses obligations par la prise d’acte.

En cas de doute, il est donc conseillé, avant de tirer toutes les conséquences de la prise d’acte du salarié, de provoquer un entretien avec le salarié. Celui-ci permettra à l’entreprise d’affiner son diagnostic de la situation :

  • en vérifiant si le salarié est ou non de mauvaise foi ;
  • en contrôlant la matérialité des faits ;
  • en appréciant mieux leur gravité au vu des explications recueillies ;
  • en évaluant plus précisément les risques de condamnation ;
  • en recherchant l’objectif réellement poursuivi par le salarié (souhaite-t-il seulement faire pression sur l’entreprise pour la contraindre à le licencier ?).

Cet entretien peut être l’occasion :

  • de faire réfléchir le salarié sur toutes les conséquences de sa décision, en mettant l’accent sur l’issue incertaine du contentieux et sur la condamnation à laquelle il s’expose en cas d’échec et de lui proposer d’annuler la prose d’acte. En effet, l’interdiction de rétractation ne semble pas pour nous interdire l’annulation de la prise d’acte ;
  • de reprendre ensuite, le cas échéant, la main en procédant à un licenciement en bonne et due forme si les circonstances le permettent. Cette démarche peut notamment être envisagée lorsque le salarié refuse pour de sérieuses raisons personnelles une modification unilatérale de ses conditions de travail qui pourtant s’imposent à lui. Le refus avec passage à l’acte suffit souvent dans ce cas à légitimer son licenciement. Face à l’alternative d’une prise d’acte produisant les effets d’une démission, le salarié peut préférer faire l’objet d’un licenciement qui même prononcé pour faute grave lui ouvrira immédiatement droit à l’allocation de retour à l’emploi ;
  • d’explorer, en cas de risques sérieux de condamnation, la piste d’une transaction.
En cas de prise d’acte pour inobservation des règles de sécurité ayant débouché sur un accident du travail, la charge de la preuve pèse, par exception, sur l’employeur. L’employeur doit démontrer que la survenance de l’accident est étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité de résultat.
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