La fixation de l’ordre des licenciements

Dernière modification : 21 août 2023
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Mis à jour le 27 juillet 2023

Avant de procéder à un licenciement économique, qu’il soit individuel ou collectif, il faut choisir le ou les salariés qui seront licenciés. Ce choix doit être fait en appliquant les critères préalablement fixés pour l’ordre des licenciements. Voici le détail de cette procédure.

Dans quels cas est-ce obligatoire ?

Pour tous les licenciements économiques …

L’obligation de fixer des critères permettant d’établir l’ordre des licenciements s’applique dès qu’un licenciement économique est envisagé, qu’il s’agisse d’un licenciement individuel ou d’un licenciement collectif. En effet, même si un seul emploi doit être supprimé, il faut choisir en fonction de critères objectifs qui, parmi les salariés de la catégorie visée, sera licencié. Autrement dit, le salarié qui occupe le poste supprimé ou modifié n’est pas nécessairement celui qui est exposé au licenciement.

Cela vaut en cas de licenciement mais pas que : si une modification du contrat de travail pour motif économique est, il faudra fixer des critères qui permettront de déterminer quel salarié sera touché par cette modification.

Cette obligation concerne tous les établissements, quel que soit leur effectif.

… sauf cas particuliers

L’obligation de fixer les critères permettant de déterminer l’ordre des licenciements ne s’applique pas dans les cas suivants.

• En cas de fermeture totale de l’établissement.

• Si le licenciement concerne le seul poste d’une catégorie professionnelle ou au contraire tous les emplois d’une même catégorie. C’est par exemple si tous les postes d’ASEM sont supprimés à la suite de la fermeture des classes de maternelle d’un établissement.

• Lorsque les licenciements concernent les salariés ayant refusé une modification du contrat de travail proposée à tout le personnel.

Comment fixer les critères d’ordre des licenciements ?

Qui définit ces critères ?

Si l’établissement est soumis à un accord collectif déterminant les critères d’ordre des licenciements, c’est cet accord qui s’applique.

En l’absence d’un tel accord, c’est l’employeur qui choisit lui-même les critères, à l’occasion de chaque projet de licenciement.

Sous peine de commettre un délit d’entrave, il faut consulter le CSE, s’il existe, avant d’arrêter la liste des critères d’ordre des licenciements. Cette consultation ne s’impose qu’en cas de licenciement collectif (au moins 2 licenciements) et non en cas de licenciement individuel.

Quels critères choisir ?

Le Code du travail impose de prendre « notamment » en compte les quatre critères suivants :

1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;

2° L‘ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise ;

La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;

4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie.

L’ordre des critères, tel qu’il est fixé ci-dessus, ne s’impose pas à l’employeur.

Et cette liste n’est pas limitative. Elle peut être complétée par d’autres critères, par exemple la polyvalence, l’expertise, la possession d’un diplôme, la pratique de l’informatique ou d’une langue étrangère, ou encore les sanctions disciplinaires non prescrites.

L’assiduité peut aussi être intégrée à la liste des critères. Mais attention : il faut expressément exclure de l’appréciation de ce critère les absences pour maladie et maternité et autres motifs légaux d’absence, sous peine de le faire juger discriminatoire.

Y a-t-il des critères interdits ?

Sont évidemment interdits tous les critères discriminatoires, notamment ceux reposant sur l’origine, le sexe, l’âge, l’orientation sexuelle, les convictions politiques, philosophiques ou religieuses, ou l’état de santé, ainsi que ceux qui tiendraient compte du statut de représentant du personnel ou d’un mandat syndical. A titre d’exemple, le critère de charges de famille ne peut être apprécié différemment selon que la famille est d’origine étrangère ou non.

La loi interdit également les critères établissant une priorité de licenciement en fonction des avantages à caractère viager dont bénéficie un salarié (par exemple, le fait de percevoir une pension de retraite).

Le fait d’être employé à temps partiel ou au contraire à temps plein ne peut pas non plus constituer un critère d’ordre de licenciement, tout comme le fait d’être en congé parental.

Peut-on établir une hiérarchie entre les critères ?

Oui, c’est tout à fait possible de privilégier certains critères ou d’en pondérer certains, à condition de tenir compte de l’ensemble des critères obligatoires, sans en exclure aucun. L’exclusion de certains critères légaux par l’employeur est interdite y compris avec l’accord du CSE.

On peut par exemple prévoir pour chacun des critères des coefficients multiplicateurs différents.

S’agissant du critère des qualités professionnelles, l’employeur doit être en mesure d’expliquer, avec des éléments objectifs et vérifiables, le nombre de points attribués à chaque salarié. Il peut par exemple tenir compte des sanctions disciplinaires prononcées (à condition d’écarter celle prescrites – c’est-à-dire les sanctions de plus de 3 ans) à condition qu’il s’appuie sur d’autres critères d’évaluation (ex : le montant des primes d’assiduité versées en fonction des salariés, le nombre d’absences injustifiées etc.).

Comment appliquer les critères d’ordre ?

Entre quels salariés ?

Les critères d’ordre doivent être définis dès le début de la procédure de licenciement, mais l’ordre des licenciements n’est arrêté qu’au moment où les licenciements sont décidés et mis en œuvre.

Pour le déterminer, il faut appliquer les critères d’ordre à l’ensemble des salariés dont la catégorie professionnelle correspond à l’emploi ou aux emplois qui doivent être supprimés.

Ce qu’il faut comprendre, c’est que ce n’est pas forcément les salariés occupant les emplois supprimés qui vont être licenciés. En application de l’ordre des licenciements, ce peut être des salariés qui travaillent dans un autre service, mais qui relèvent de la même catégorie professionnelle. Dans ce cas, il faudra muter le salarié dont le poste est supprimé sur le poste du salarié finalement licencié.

Pour rattacher un salarié à une catégorie, il faut tenir compte des fonctions qu’il exerce et pas de sa formation théorique. Par ailleurs, la catégorie professionnelle ne se réduit pas à un emploi déterminé. Relèvent de la même catégorie l’ensemble des salariés qui, compte tenu des acquis de l’expérience professionnelle, exercent dans l’entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune.
Par ailleurs, les salariés qui exercent des fonctions similaires ne nécessitant pas une formation de base spécifique ou une formation complémentaire excédant l’obligation d’adaptation des salariés à l’évolution des emplois appartiennent à la même catégorie professionnelle.

Sur quel périmètre ?

En l’absence d’accord collectif le définissant, c’est l’employeur qui décide du périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements. Il ne peut s’agir du seul établissement concerné par les suppressions d’emploi : la loi exige d’englober au moins tous les établissements de l’entreprise situés dans la même zone d’emploi.

Ainsi, si l’Ogec a plusieurs établissements situés dans la même zone d’emploi et que c’est ce périmètre qui est choisi, il faut appliquer les critères d’ordre des licenciements à tous les salariés relevant de la catégorie correspondant à l’emploi supprimé et travaillant dans l’un des établissements situés dans la même zone d’emploi que l’établissement concerné.

Les zones d’emploi sont référencées sur l’atlas des zones d’emploi établi par l’Insee et le ministère en charge de l’emploi (voir la base des zones d’emploi au 1er janvier 2021).

Quels sont le droits des salariés ?

Droit d’être informé sur les critères d’ordre

Tout salarié concerné par le licenciement peut demander la communication des critères retenus pour en fixer l’ordre. Pour être valable, cette demande doit être faite par lettre recommandée avec AR ou lettre remise en main propre contre décharge, dans un délai de 10 jours à compter de la date à laquelle le salarié quitte effectivement son emploi.

L’employeur doit lui répondre, également par lettre recommandée avec AR ou lettre remise en main propre contre décharge, dans les 10 jours suivant la présentation de la demande. Il faut préciser dans ce courrier les critères qui ont été retenus pour fixer l’ordre des licenciements, ainsi que les éléments permettant au salarié de vérifier l’application de ces critères à sa situation.

Ne pas répondre à la demande du salarié ou lui répondre tardivement ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse. Mais l’employeur peut être condamné à verser au salarié des dommages-intérêts fixés en fonction du préjudice subi. Ces dommages-intérêts sont le cas échéant cumulables avec ceux dus en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Droit de contester l’application des critères d’ordre de licenciements

Dans les 12 mois suivant la notification de son licenciement, le salarié peut saisir le conseil des prud’hommes pour contester l’ordre des licenciements. Pour se justifier, l’employeur doit préciser aux juges les critères qu’il a appliqués et les éléments objectifs, précis et vérifiables sur lesquels il s’est basé pour arrêter l’ordre des licenciements.

Si les juges considèrent que l’employeur n’a pas respecté l’ordre des licenciements, ils peuvent le condamner non pas à l’indemnité pour licenciement abusif (cette irrégularité n’équivaut pas à une absence de cause réelle et sérieuse), mais à des dommages-intérêts réparant le préjudice subi par le salarié.

On notera que, si, pour un autre motif, le licenciement est jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse, les dommages-intérêts dus à ce titre ne se cumulent pas avec ceux dus pour violation de l’ordre des licenciements.

Le non-respect des dispositions légales relatives à l’ordre des licenciements est sanctionné pénalement par une amende de 750 euros au plus.

CE QU’IL FAUT RETENIR

L’obligation de fixer des critères permettant d’établir l’ordre des licenciements est obligatoire quel que soit l’effectif et pour tout licenciement économique, individuel ou collectif.

• A défaut d’accord collectif, l’employeur fixe les critères d’ordre, après consultation du CSE, s’il existe.

• La loi impose de prendre notamment en compte les charges de famille, la situation des salariés présentant des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, l’ancienneté et les qualités professionnelles. Mais d’autres critères peuvent être ajoutés. Les critères discriminatoires sont interdits.

• Il est possible de privilégier certains critères ou d’en pondérer certains, à condition de tenir compte de l’ensemble des critères obligatoires, sans en exclure aucun. des licenciements est défini par application des critères entre tous les salariés relevant de la même catégorie que l’emploi supprimé. A défaut de périmètre défini par accord collectif, l’application des critères d’ordre s’étend aux établissements de l’entreprise situés dans la même zone d’emploi que l’établissement concerné par la suppression d’emploi.

Le salarié peut demander, par LRAR ou lettre remise en main propre contre décharge, dans un délai de 10 jours à compter de la date de la fin de son contrat, qu’on lui communique les critères retenus. L’employeur a 10 jours pour lui répondre dans les mêmes formes. A défaut, il peut être condamné à des dommages-intérêts.

Le salarié peut contester aux prud’hommes l’ordre des licenciements. En cas de méconnaissance des critères d’ordre, l’employeur encourt une condamnation à verser des dommages-intétrêts au salarié pour réparer son préjudice.
Textes de référence : articles L. 1233-5 à L. 1233-7, L. 1233-17 et R. 1238-1du Code du travail

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