Le télétravail

Dernière modification : 8 novembre 2023
Temps de lecture estimé : 6 min

Mis à jour le 08/11/2023

Le télétravail est un mode d’organisation de plus en plus fréquent au sein des entreprises. La mise en place du télétravail régulier, en dehors de circonstances exceptionnelles telles que le confinement, nécessite de respecter quelques étapes.

Intérêts du télétravail

Le télétravail constitue à la fois un moyen pour les entreprises de moderniser l’organisation du travail et un moyen pour les salariés de concilier vie professionnelle et vie sociale et de leur donner une plus grande autonomie dans l’accomplissement de leurs tâches.

Définition retenue par les organisations paritaires lors de négociations interprofessionnelles

Réceptionner un colis, s’éviter la fatigue des transports, profiter d’un lieu plus calme pour se concentrer, pouvoir mieux organiser sa vie de famille, … Les raisons invoquées par les salariés sont nombreuses pour justifier leur volonté de télétravailler un ou plusieurs jours par semaine. Le télétravail est un outil au service d’un meilleur équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée.

Laisser aux salariés la possibilité de télétravailler est également un argument pour attirer des cadres, à qui ce dispositif est maintenant proposé dans de nombreuses entreprises.

En outre, il peut également permettre à l’employeur d’adopter une organisation moderne des bureaux permettant un gain de mètres carrés, puisque des salariés travaillant 3 jours par semaine chez eux n’ont pas nécessairement besoin d’avoir chacun un bureau attitré. On pourra alors opter pour du flex-office : le service compte moins de bureaux que de salariés, et chaque salarié s’installe à un bureau libre en arrivant le matin.

Le télétravail bouleverse le rapport au travail, il faut en avoir conscience en tant que manager. Il induit des questionnements lourds et s’inscrit dans un réel projet d’entreprise. Dans le cadre de l’obligation de sécurité de l’employeur envers ses salariés, les risques professionnels induits par le télétravail doivent être listés, et des mesures prises pour les prévenir. Consultez la fiche dédiée aux risques liés au télétravail ainsi que le document de l’INRS dédié à cette problématique.
Par ailleurs, l’Anact a conçu un carnet de bord du télétravail que le manager peut transmettre à ses équipes afin d’ouvrir la discussion sur les conditions de travail des télétravailleurs et de mener une réflexion sur leur amélioration.

Mise en place du télétravail

1. Définir les salariés éligibles

Bien évidemment, tous les postes ne se prêtent pas au dispositif du télétravail, on pense notamment aux AVS ou au personnel d’entretien. Au-delà de ces évidences, la question peut être plus difficile à trancher concernant certains postes ou salariés. Pour éviter toute inégalité de traitement, il convient de définir des critères objectifs selon lesquels certains salariés seront amenés à se voir proposer du télétravail : le poste occupé, l’autonomie, l’ancienneté, la maîtrise des outils informatiques, …

La nature du contrat (CDI, CDD, alternance, intérim) ou des critères non professionnels (enfants en bas-âge, lieu de résidence, …) ne peuvent constituer des critères valables.

Le télétravail ne peut pas être imposé ni par le salarié ni par l’employeur, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie ou de force majeure.

Il est parfaitement possible de ne télétravailler qu’un ou deux jours par semaine ou par mois. Ainsi, certains salariés peuvent être éligibles quand bien même certaines de leurs activités ne sont pas télétravaillables.

2. Identifier les activités télétravaillables

Il est inopérant de penser en termes de « métier » pour identifier les salariés qui peuvent télétravailler. De nombreux postes peuvent être partiellement télétravaillés, ce qui impose de raisonner en termes d' »activité ». Pour maintenir la cohésion d’équipe et éviter la naissance d’un sentiment d’inéquité chez certains salariés, l’identification des activités télétravaillables doit être une procédure transparente et compréhensible pour les salariés, à laquelle il est utile de les associer. L’Anact nous fournit une méthode simple en trois étapes pour identifier les activités télétravaillables :

1. Lister les principales activités pour chaque poste.

2. Evaluer les freins ou difficultés éventuelles au télétravail pour chacune de ces activités (exemples : accès au serveur à distance, qualité du réseau internet, confidentialité des données, relations à préserver avec les usagers, maîtrise des outils numériques par le salarié concerné, etc.)

3. Identifier si des moyens et conditions peuvent être réunis pour lever ces difficultés (matériel de travail, installation de connexion sécurisée, ouverture de salles de visioconférence, définition de modalités et de plages de disponibilité, formation à distance à l’usage de nouveaux outils numériques, etc.)

Afin d’identifier au mieux ce qu’il est utile et réaliste de faire en télétravail de manière pertinente, ce travail doit être réalisé avec les salariés concernés afin d’identifier ce qui rend possible le télétravail et ce qui l’empêche, ce qui le facilite et ce qui le contraint.

Un tableau de ce type peut être utilisé pour effectuer ce travail d’analyse des tâches :

3. Définir les modalités de mise en œuvre du télétravail

Employeur, manager et salarié doivent définir ensemble des modalités de mise en œuvre du télétravail :

  • Combien de jours de télétravail par semaine ?
  • Quelle modalité et quel délai de demande de prise d’un jour de télétravail ? (si les jours de télétravail ne sont pas fixés par l’employeur)
  • Quelles tâches doit effectuer le salarié lors de ses journées de télétravail ?
  • Quand le salarié peut-il être joint ? Il doit être établi clairement qu’il n’a pas à répondre au téléphone ou aux mails en dehors de ces horaires, que ce soit aux parents ou aux collègues.
  • Quels outils numériques le salarié doit-il utiliser ? Des formations ou du binômage doivent être organisés si le salarié n’a pas la maitrise suffisante de ces outils. Un référent informatique peut être désigné pour accompagner les salariés.
  • Quelles sont les conditions matérielles du télétravail (mise à disposition des outils informatiques, remboursement des frais professionnels sur facture ou via une indemnité forfaitaire, …) ?
  • A quelle fréquence des points seront-ils faits avec le manager, notamment pour suivre la charge de travail du salarié ? Pour des salariés peu autonomes ou qui font des tâches inhabituelles, un point quotidien d’un quart d’heure peut être utile, tandis que pour d’autres un point hebdomadaire sera suffisant.
  • Comment s’organise le travail en équipe ? Le manager organise le travail en équipe, notamment en identifiant clairement le rôle de chacun, et prévoit des moments de travail collectifs, éventuellement en visioconférence.
  • A quelles conditions le salarié et l’employeur pourront-ils mettre fin au télétravail ?

Là encore, l’utilisation d’un tableau peut aider à effectuer ce travail et à en garder trace.

La mise à disposition du matériel informatique est recommandée. En effet, cela évite les difficultés liées à un matériel peu performant et cela permet de mieux garantir la sécurité des données. Ce matériel informatique devra être entretenu et renouvelé par l’employeur.

4. Formaliser

Le télétravail peut être formalisé via la négociation d’un accord d’entreprise avec les organisations syndicales représentatives ou le CSE.

La formalisation via une charte du télétravail est également possible et semble l’option la plus appropriée. Elle pourra en effet être modifiée plus aisément au besoin. Elle est rédigée par l’employeur puis soumise au CSE pour avis. Ce mode de formalisation peut être utilisée même si le télétravail ne concerne qu’un ou deux salariés dans l’établissement.

L’accord ou la charte devront comporter toutes les indications concernant les salariés éligibles et les conditions du télétravail, ils devront donc être adaptés dans chaque établissement. Un document proposé par l’Anact liste l’ensemble des sujets à traiter dans une charte ou un accord.

La loi no 2021-1774 du 24 décembre 2021 ajoute un thème au contenu obligatoire de l’accord ou de la charte. Le texte devra désormais mentionner les modalités d’accès des salariées enceintes à une organisation en télétravail.
La loi nº 2023-622 du 19 juillet 2023 ajoute également une nouvelle thématique obligatoire. L’accord devra à présent préciser les modalités d’accès des salariés aidants à une organisation en télétravail. 

Un accord individuel écrit entre chaque salarié concerné et l’employeur pourra également être rédigé. Cet accord est indispensable en l’absence d’accord d’entreprise ou de charte.

L’Anact a publié un rapport nommé « Installer le télétravail dans la durée ? » dans lequel sont passés en revue 40 accords d’entreprise mettant en place le télétravail et conclus entre juillet et octobre 2020. L’analyse menée fait ressortir :

  • des éléments de méthode liés au processus de négociation ;
  • des éléments de cadrage de l’exercice du télétravail : nombre de jours, clauses de réversibilité, de suspension, etc. ;
  • des « objets » de négociation en lien avec 6 grandes dimensions du télétravail ;
    • équipements et outils numériques : nature des équipements, modalités de mise à disposition, usage, accompagnement, droit à la déconnexion ;
    • temps de travail et charge de travail : cadre commun, contrôle, régulation ;
    • fonctionnement collectif : cadre commun, cohésion et articulation entre le travail en présentiel et le travail à distance ;
    • pratiques managériales : management par la confiance, modalités de suivi de l’activité, reconnaissance du travail… ;
    • prévention des risques professionnels : prévention des risques psychosociaux, rôles des acteurs, mise à jour du DUERP…

Ce rapport propose également 10 recommandations pour mettre en place le télétravail. Découvrez-les en téléchargeant le rapport :

Droit à la déconnexion

Le droit à la déconnexion : une obligation pour les employeurs

Le terme « droit à la déconnexion » est trompeur, car il pourrait laisser penser que le salarié est libre d’exercer ou non ce droit, c’est-à-dire concrètement libre de travailler le weekend ou en soirée, de répondre à des mails à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, …

En réalité, l’employeur a l’obligation de préserver l’équilibre vie privée – vie professionnelle dans le cadre de son obligation de prévention. En effet, il « doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Ainsi, il doit garantir ce droit à la déconnexion, tout comme il est garant du respect des temps de repos et de congé du salarié.

On pourrait faire l’analogie suivante : sur un chantier, l’employeur a non seulement l’obligation de fournir les casques, mais aussi de s’assurer que les salariés les portent, même si ces salariés préfèrent ne pas les porter.

Le Code du travail ne définit pas le droit à la déconnexion mais impose, depuis 2016, que ses modalités soient définies au sein de l’entreprise dans le cadre de la négociation annuelle sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail (négociation obligatoire lorsqu’une section syndicale représentative est constituée dans l’établissement et qu’elle désigne un délégué syndical).
Le droit à la déconnexion est également reconnu par la jurisprudence.

Le droit à la déconnexion en pratique

Pour que ce droit à la déconnexion soit opérant, employeur et managers doivent veiller à :

  • Contrôler et adapter la charge de travail : on ne peut pas demander à un salarié de ne travailler qu’entre 9h et 18h tout en lui demandant d’accomplir plus de tâches qu’il ne peut le faire dans ce laps de temps, ou en lui demandant à 17h de traiter plusieurs dossiers pour le lendemain 9h. Il est donc particulièrement important que le manager fasse des points réguliers avec ses collaborateurs, car il est plus difficile d’évaluer la charge de travail à distance, et qu’il veille à fixer des objectifs et à organiser le travail de manière à ce que le salarié puisse respecter ses horaires de travail. Il faut également prendre en compte que le salarié peut mettre plus de temps que d’habitude à accomplir certaines choses à cause d’outils informatiques moins performants par exemple.
  • Expliciter clairement aux équipes qu’ils ne doivent pas travailler en dehors de leurs horaires (ces horaires doivent être clairement établis pour chacun).
  • Rappeler à l’ordre les salariés qui travailleraient en dehors de ces horaires en faisant de la pédagogie.

Pour aller plus loin

Visualiser l’intervention de Mickael d’Allende, avocat associé ALTANA et auteur de « Stratégie d’entreprise et droit du travail », durant la journée sociale 2020.

Textes de référence : C. du trav., art. L.1222-9 à L.1222-11
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