Révisé le 3 novembre 2022
La CC EPNL prévoit la possibilité de recourir au forfait annuel en jours pour certains salariés et en fixe les règles. Ce dispositif ne peut être mis en œuvre que pour des salariés de strate IV (condition conventionnelle) répondant aux conditions légales (l’autonomie est centrale, les impératifs de santé et sécurité et de suivi de la charge de travail essentiels). En outre, tous les acteurs (employeurs, CSE et salariés) doivent bien comprendre la philosophie de ce dispositif qui demeure dérogatoire.
Définition
La convention de forfait jour, obligatoirement annuelle, a pour objet de rémunérer le salarié en fonction du nombre de jours travaillés sur l’année, peu importe le nombre d’heures de travail accomplies.
Le temps de travail du salarié qui bénéficie d’une convention de forfait jours est ainsi comptabilisé en nombre de jours travaillés et non en nombre d’heures réalisées.
Attention, les salariés bénéficient du repos quotidien minimum de 12 heures, du repos hebdomadaire de 24 heures (accolés aux 12 heures de repos quotidien – 36 heures), des jours de congés payés et des jours fériés.
Avantages pour l’employeur et pour le salarié
Cette modalité exonère l’entreprise des dispositions relatives aux heures supplémentaires et à la durée maximale journalière et hebdomadaire du travail.
De son côté le salarié est libre d’organiser son travail comme il l’entend et bénéficie en général d’une rémunération forfaitaire plus avantageuse que les autres salariés soumis au régime horaire. Il s’agit là aussi d’un élément de statut et de reconnaissance du salarié et de ses compétences.
Salariés concernés
La convention de forfait n’est envisageable que pour des salariés pour lesquels on ne peut déterminer des horaires de travail ou qui ne peuvent s’inscrire dans « l’horaire collectif ». La CC EPNL prévoit d’ailleurs que les salariés concernés doivent être de strate IV.
Le salarié qui bénéficie d’une convention de forfait jour ne peut donc pas se voir imposer des horaires de travail. Ainsi, l’employeur ne peut pas lui imposer d’être présent à des heures précises au sein de l’entreprise, sauf à prendre le risque que sa convention de forfait soit remise en cause. La CC EPNL éclaire ces notions car elle vise les cadres de strate IV qui « disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et qui, en raison de la nature stratégique des fonctions et des responsabilités voire les délégations, n’ont pas l’obligation d’être présents dans l’établissement pendant les périodes de présence des apprenants.«
L’application du forfait en jours est donc incompatible avec l’obligation faite au collaborateur de respecter un planning préalable strict qui plus est en heures.
Au risque d’être caricatural, il faut donc bien avoir en tête qu’un salarié en forfait jours pourrait très bien venir travailler 2 heures puis ensuite rentrer chez lui. Autrement dit, ils doivent être libres de fixer le moment ou le temps qu’ils consacrent à leur activité, peu importe que leurs horaires soient contrôlables ou non a posteriori.
En revanche, il est possible d’imposer au cadre en forfait en jours sur l’année une présence sur certains moments de la semaine (réunions d’équipes, regroupement etc.).
L’organisation du temps de travail dans les établissement est particulière. Elle est rythmée par la présence des élèves et apprenants (ou leur absence). Il est difficile de proposer un tel forfait aux salariés dont la présence est nécessaire en même temps que celle des élèves et apprenants.
Dès lors l’accord sur le forfait-jours pourrait s’appliquer aux salariés occupant notamment les emplois suivants : adjoint, responsable de CFA, responsable du « partenariat entreprises » , responsable informatique, responsable de communication, …
Certains responsables de niveau cumulant une activité d’enseignant pourraient également être en forfait jours puisqu’il est possible que leur durée de travail ne puisse être pré-déterminable ou même déterminée.
En tout état de cause, compte tenu des contraintes légales, nous déconseillons l’application des forfaits jours de manière systématique.
Attention au suivi de la charge de travail
Sous l’influence du droit européen, bien que validant le dispositif, la Cour de cassation a rappelé que l’employeur devait se soumettre aux impératifs de protection de santé, de sécurité et de droit aux repos contenus aussi bien dans le préambule de la Constitution que dans les directives européennes.
Les accords collectifs permettant le recours aux conventions de forfait en jours doivent donc comporter des stipulations qui assurent la garantie des repos journalier et hebdomadaire, des congés payés et des jours fériés. Autrement dit, le forfait jours n’est pas seulement une question d’exonération totale des règles en matière de temps de travail.
L’article 5.2.4.5 de la CC EPNL impose un suivi constant de la charge de travail et l’organisation d’un entretien semestriel au cours duquel sont abordés « la charge individuelle de travail, l’organisation du travail dans l’établissement ou le service, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que la rémunération du salarié (le cas échéant : les incidences des technologies de communication, droit à la déconnexion). »
Application directe de la CC EPNL
Les stipulations de la sous-section 4 de la section 3 du Chapitre 5 de la CC EPNL sont d’application directe. Il n’est pas obligatoire de négocier un accord collectif spécifique.
Il est en revanche possible de négocier un accord d’entreprise pour fixer des règles différentes (voir ci-dessous).
Le nombre de jours annuels de travail est fixé à 208 jours.
Un forfait réduit est possible, le salarié sera alors rémunéré à due proportion.
Une convention individuelle de forfait OBLIGATOIRE
Le forfait annuel en jours doit impérativement être formalisé par écrit entre l’employeur et le salarié.
Négociation possible d’un accord d’entreprise
Si les établissements souhaitent organiser le forfait jours différemment, ils peuvent le faire par accord collectif (une décision unilatérale ou une charte ne vaut pas accord collectif). A défaut, ce seront les stipulations de la CC EPNL qui s’appliqueront.
La négociation d’un accord d’entreprise au sein de l’Ogec est donc possible mais elle pourra s’avérer compliquée puisqu’au final le forfait ne concernera que 1, 2 ou 3 salariés maximum.
L’accord collectif relatif au forfait en jours doit impérativement fixer les modalités selon lesquelles :
- « l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié […] ;
- « l’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l’organisation du travail dans l’entreprise […]
- « le salarié peut exercer son droit à la déconnexion […] ».
L’entretien annuel individuel visé à l’article L. 3131-65 du Code du travail est indispensable, mais insuffisant. Selon nous deux entretiens dans l’année sont un minimum. Si les négociateurs de l’accord font le choix d’un entretien annuel, ils devront à notre sens, prévoir la mise en place d’une procédure d’alerte intermédiaire. Le principe d’un suivi régulier de la charge de travail par le responsable hiérarchique s’impose également à notre avis, même s’il n’est pas formalisé par un entretien donnant lieu à compte-rendu. Il s’agit en pratique de vérifier a posteriori s’il y a eu des anomalies, d’en identifier les causes et de prendre les décisions évitant qu’elles se reproduisent.
L’instauration d’un « droit d’alerte » du salarié rencontrant des difficultés en raison de sa charge de travail, apparaît également indispensable. Il oblige l’employeur à le recevoir et à prévoir des mesures pour faire face aux difficultés avérées.
A noter que l’accord d’entreprise peut viser d’autres salariés que ceux visés par la CC EPNL. Le Code du travail renvoie à la convention ou à l’accord d’entreprise ou d’établissement le soin de déterminer les catégories de salariés pouvant relever du forfait annuel en jours. A défaut, il détermine ainsi les salariés pouvant relever d’un forfait annuel en jours :
- Les cadres « qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés » ;
- Et les salariés non-cadres « dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées ».
Risques juridiques
Lorsque les forfaits en jours sont mis en place sans respecter les conditions imposées par la loi, ils sont en principe déclarés inopposables par le juge saisi.
Les salariés peuvent revendiquer, y compris rétroactivement, l’application des règles de droit commun de décompte et de rémunération de leurs heures de travail, avec toutes les conséquences qui s’ensuivent en termes de majoration de salaire et, le cas échéant, de droit à repos compensateurs. Le versement d’un salaire supérieur au salaire minimum conventionnel ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires.
L’inopposabilité est notamment encourue lorsque le forfait n’a fait l’objet d’aucune formalisation écrite dans le contrat de travail du salarié ou sous forme d’une convention individuelle.
Les risques sont limités depuis un arrêt de la Cour de cassation du 6 janvier 2021 (Cass. soc., 6 janv. 2021, n° 17-28.234) dit de l’arroseur-arrosé. En effet, un salarié demandant le paiement des heures supplémentaires en raison de l’inopposabilité du dispositif de forfaits jours se voit contraint de rembourser les jours de repos dont il a pu bénéficier. Nul doute que les salariés réfléchiront à deux fois avant de remettre en question le dispositif qui, à bien des égards, peut être avantageux pour eux.