Depuis le 1er septembre 2022 et l’application de la nouvelle convention collective EPNL, les Ogec de moins de 50 salariés ne sont plus soumis à l’obligation conventionnelle de faire bénéficier leurs salariés d’une formation valorisée tous les cinq ans. Pour autant, toute obligation de former les salariés a-t-elle disparu ? Non !
Une double obligation légale de formation
Dès 1992, la jurisprudence a posé le principe selon lequel l’employeur a l’obligation d’adapter ses salariés aux évolutions de leur emploi, c’est-à-dire, concrètement, de prévoir des formations si cela est nécessaire. Depuis, le Code du travail a créé deux obligations qui concernent tous les employeurs, quel que soit l’effectif de l’entreprise ou de l’association :
L’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail.
Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Article L. 6321-1 du Code du Travail
Obligation d’adaptation au poste de travail et à l’évolution de l’emploi
L’employeur a l’obligation de prévoir toutes les formations nécessaires à l’acquisition et au développement de toutes les compétences nécessaires au salarié pour continuer à occuper son poste et à exercer son emploi.
Obligation de maintien de l’employabilité
L’employeur a l’obligation de maintenir l’employabilité de ses salariés, c’est-à-dire de faire en sorte que les salariés, s’ils venaient à quitter l’entreprise, soit à même retrouver du travail.
Questions-réponses
Si le poste n’évolue pas, l’employeur est-il tout de même obligé de former le salarié ?
Oui. La jurisprudence est très claire à ce sujet, l’employeur a non seulement l’obligation de permettre au salarié de s’adapter aux évolutions de son poste de travail, mais aussi de maintenir son employabilité, c’est-à-dire sa capacité à retrouver un emploi ailleurs. Ainsi, un employeur ne peut pas arguer de l’absence d’évolution technologique du poste pour se soustraire à son obligation de formation.
L’obligation de formation qui pèse sur l’employeur ne consiste pas seulement à assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail au sein de l’entreprise, mais implique aussi de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi.
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 mai 2021, 19-24.412
Si le salarié refuse de partir en formation ?
C’est l’employeur qui décide en principe du type d’actions de formation et de l’envoi en formation des salariés. Dès lors que l’action de formation est décidée par l’employeur dans l’intérêt de l’entreprise, le salarié qui refuse cette formation sans motif légitime commet une faute qui peut être sanctionnée.
Un salarié peut néanmoins refuser une formation lorsque l’action proposée :
- se déroule hors temps de travail,
- relève de la VAE ou d’un bilan de compétences,
- n’entre pas dans le cadre de la formation professionnelle (stage de « motivation » par exemple),
- génère des contraintes disproportionnées par rapport à l’objectif poursuivi.
Les contraintes de transport étant particulièrement importantes (départ la veille, 6 heures de transport au minimum aller et retour pour trois heures de formation et ce huit fois dans le mois), Madame X… était en droit de ne pas se rendre sur le lieu de la formation tant que les conditions exactes de sa prise en charge ne lui avaient pas été précisées, en dépit de la demande expresse qu’elle avait adressée à son employeur le 1er février 2010.
En outre et en tout état de cause, si le but de la formation était légitime, les modalités de sa mise en œuvre faisaient peser sur la vie personnelle et familiale de Madame X…, mère de deux enfants alors âgés de 3 et 8 ans, demeurant dans une petite localité, des sujétions disproportionnées au regard du but poursuivi, comme l’a exactement fait valoir l’intéressée dans sa lettre du 1er février 2010.
Cour d’appel de Nancy, Chambre sociale, Arrêt du 16 novembre 2011, Répertoire général nº 10/03200
Que risque l’employeur qui ne respecte pas la double obligation légale de formation ?
Contentieux lors d’un licenciement pour insuffisance professionnelle
L’employeur a l’obligation d’adapter les salariés à l’évolution de leur emploi, c’est-à-dire qu’il a l’obligation de lui fournir les formations et le temps nécessaires à la maîtrise des nouvelles techniques, logiciels ou compétences nécessaires à l’exécution de ses missions.
A défaut, un licenciement pour insuffisance professionnelle pourra être jugé sans cause réelle et sérieuse.
Contentieux lors d’un licenciement pour motif économique
Le licenciement pour motif économique ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés.
L’employeur a l’obligation de fournir une formation pour adapter le salarié à un nouvel emploi qui pourrait lui être proposé, mais l’obligation de formation ne se limite pas à cela.
L’employeur a l’obligation, tout au long de l’exécution du contrat de travail, de faire bénéficier ses salariés d’actions de formation qui leur permettront, si des difficultés économiques advenaient, d’augmenter les possibilités de les reclasser, et également de maintenir leurs capacités à être embauché par une autre entreprise en cas d’impossibilité de reclassement.
A défaut et en l’impossibilité de reclasser le salarié, le licenciement ne sera pas jugé sans cause réelle et sérieuse mais l’employeur pourra être condamné à verser des dommages-intérêts au salarié pour manquement à son obligation d’adaptation. Il s’agit d’un préjudice distinct de celui de la rupture.
Au regard de l’obligation pour l’employeur d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, ces constatations établissaient un manquement de l’employeur dans l’exécution du contrat de travail entraînant un préjudice distinct de celui résultant de sa rupture.
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 octobre 2007, 06-40.950
Un Ogec a déjà été condamné pour ce motif dans le cadre de trois procédures engagées par des salariés licenciés pour motif économique. Il a considéré que l’employeur aurait dû d’autant plus fournir des efforts de formation que la situation économique se dégradait et que le risque de devoir procéder à des licenciements économiques s’accentuait :
Attendu que le nombre et l’importance des restructurations intervenues au sein de l’enseignement catholique … ainsi que les difficultés financières rencontrées par l’établissement depuis plusieurs années, devaient inciter l’employeur à anticiper une inévitable restructuration entraînant nécessairement des suppressions de postes ; qu’il appartenait à l’employeur de donner aux salariés présentant des caractéristiques sociales les exposant plus particulièrement aux conséquences des mutations économiques, et occupant des emplois sans correspondance dans le secteur marchand, de réaliser à leur profit des efforts de formation et d’adaptation particuliers au moyen d’une formation professionnelle adaptée aux nécessités des intéressés.
Attendu que ce manquement de … à son obligation de formation et d’adaptation a contribué à la difficulté de son reclassement et au préjudice occasionné par les difficultés générées pour justifier de son niveau de compétence auprès de ses éventuels futurs employeurs.
Cour d’appel de Dijon, Chambre sociale, Arrêt du 17 décembre 2020, Répertoire général nº 18/00674
Contentieux lors de tout type de licenciement
Les juges estiment que le défaut de formation porte nécessairement préjudice au salarié en diminuant ses chances de retrouver un emploi qualifié en cas de rupture du contrat de travail, et que ce préjudice est distinct de celui lié à la rupture du contrat.
Ainsi un Ogec s’est vu condamné à verser des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse suite à un licenciement pour faute, et à verser en outre 2 000 € de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de formation, après n’avoir bénéficié que de trois heures de formation en neuf ans de relation contractuelle.
Une nécessité en terme de gestion des ressources humaines
S’adapter dans un monde qui change
Tous les salariés de nos établissements, quel que soit leur métier, sont soumis à des évolutions qui peuvent être :
- techniques : nouveaux logiciels, nouvelles procédures comptables, nouvelles normes d’hygiène et de sécurité alimentaire, …
- pédagogiques et éducatives : nouvelles démarches pédagogiques, nouvelles attentes des parents vis-à-vis de l’école tant dans les temps scolaires qu’extra-scolaires, …
- sociétales : nouvelles problématiques ou accentuation de problématiques rencontrées par les jeunes en écho à l’évolution de la société (réseaux sociaux, addictions, transidentité, harcèlement scolaire, …)
Seule une formation professionnelle continue tout au long de la carrière permettra à l’ensemble des salariés de s’adapter aux évolutions de leur métier au sein des établissements scolaires.
Faire grandir pour fidéliser
La formation professionnelle peut permettre aux salariés d’élargir leurs compétences, d’explorer de nouvelles opportunités et de prendre en charge des responsabilités accrues. Développer leurs compétences et en apprendre de nouvelles leur offre des possibilités d’évolution de carrière au sein de leur métier ou en changeant de métier, ce qui contribue grandement à la satisfaction au travail et à un climat social positif.
En outre, investir dans la formation démontre aux salariés que l’Ogec se soucie de leur développement et de leur réussite, ce qui ne peut que renforcer leur motivation et leur engagement envers l’établissement.
Une part de notre identité
Faire croitre les hommes et les femmes en notre sein dans le cadre de l’Evangile fait partie de l’identité des établissements scolaires catholiques. La doctrine sociale de l’Église met l’accent sur le respect de la dignité humaine et sur la justice sociale. Former et faire progresser les salariés est une expression concrète de ce respect de la dignité humaine car cela leur permet de développer leurs talents, leurs compétences et leur potentiel, et de s’épanouir en tant que personnes. En outre, former les salariés de manière équitable, en leur offrant des possibilités de développement professionnel et de promotion, contribue à promouvoir la justice sociale en permettant à chacun d’avoir accès à l’épanouissement professionnel. En bref, permettre à ses salariés de monter en compétences est un moyen concret de mettre en pratique les principes de la doctrine sociale de l’Église dans le contexte professionnel.