Le médecin du travail peut prononcer un avis d’inaptitude au travail lorsqu’il constate que l’état de santé du salarié est devenu incompatible avec son poste de travail et que celui-ci ne peut faire l’objet d’un aménagement ou d’une adaptation. L’employeur doit alors reclasser le salarié inapte dans son entreprise, et à défaut, il doit procéder à son licenciement.
Constatation de l’inaptitude
L’avis d’inaptitude est un avis médical exclusivement rendu par le médecin du travail après au moins un examen médical avec le salarié et après une étude de poste, des conditions de travail, et un échange avec l’employeur. Cet avis constate l’inaptitude du salarié à occuper son poste ou tout autre poste de travail pour des raisons médicales (physique ou psychique). Dans son avis, le médecin du travail doit détailler précisément la gravité de l’inaptitude et, éventuellement des indications relatives au reclassement du travailleur.
L’employeur (tout comme le salarié) peut contester devant le Conseil de Prud’hommes les indications ou les conclusions écrites reposant sur des éléments de nature médicale. Par exemple il peut contester les propositions d’aménagement du poste ou du temps de travail proposées par le médecin du travail. Il dispose de 15 jours après la notification de l’avis pour le contester.
Dans la pratique, avant de saisir le conseil de prud’hommes, l’employeur doit d’abord contester par écrit les conclusions du médecin du travail et lui demander de faire évoluer son avis, notamment au vu des informations qu’il est en mesure de lui fournir, par exemple en lui expliquant les exigences réelles liées au poste de travail.
Il peut arriver notamment que le médecin du travail formule des propositions de reclassement, mais que celles-ci ne soient pas compatibles avec les spécificités de l’emploi qu’occupait le salarié avant qu’il soit déclaré inapte. Dans ce cas, l’employeur ne doit pas hésiter à se rapprocher du médecin du travail afin de lui faire part des difficultés de mise en œuvre de ses propositions de reclassement.
Il est possible que le médecin du travail ne fasse aucune proposition de reclassement. Dans ce cas, l’employeur doit solliciter son avis.
En l’absence de réponse du médecin du travail, l’employeur doit saisir sans tarder le conseil de prud’hommes, le délai de recours étant très bref. A défaut d’exercer un tel recours, l’avis d’inaptitude s’impose au conseil de prud’hommes en cas de contentieux ultérieur.
Situation du salarié après l’avis d’inaptitude
L’employeur ne verse plus le salaire pendant un mois à partir de l’avis d’inaptitude. Pendant cette période :
- Soit le salarié est reclassé, l’employeur reprend alors le versement du salaire et le contrat n’est plus suspendu,
- Soit aucun reclassement n’est possible, dans ce cas l’employeur peut procéder au licenciement,
- Soit au bout d’un mois le salarié n’a pas pu être reclassé et n’est pas encore licencié, dans ce cas l’employeur doit reprendre le versement de son salaire.
Si un CSE est constitué dans l’entreprise, l’employeur doit obligatoirement le consulter avant tout reclassement du salarié, ou à défaut de pouvoir le reclasser, avant la procédure de licenciement.
L’employeur déclarera la situation du salarié à l’assureur afin que le régime EEP Prévoyance intervienne. En effet, l’accord EEP Prévoyance prévoit qu’en cas de suspension du versement des indemnités journalières de Sécurité sociale à la suite d’une décision d’inaptitude par le médecin du travail, le salarié percevra, pendant une durée maximale d’un mois à compter du lendemain de la déclaration d’inaptitude, une indemnité égale à 95% de la 365ème partie du salaire net sous déduction d’une éventuelle indemnité temporaire d’inaptitude versée par la Sécurité sociale.
Obligation de reclassement
L’étendu de l’obligation de reclassement
Lorsque le médecin du travail déclare le salarié inapte à reprendre son poste, l’employeur doit chercher à reclasser l’intéressé dans un autre emploi adapté à ses nouvelles capacités.
Il s’agit d’une obligation d’ordre public, à laquelle les parties ne peuvent déroger. Elle s’impose donc à l’employeur :
- Que l’inaptitude soit temporaire, définitive, totale ou partielle ;
- Que le salarié soit en CDD, en période d’essai, en invalidité de 2e catégorie ou qu’il manifeste son intention de ne pas reprendre le travail ;
- Même si l’inaptitude du salarié résulte d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle survenu au service d’un autre employeur ;
- Y compris lorsque le médecin du travail ne fait aucune proposition de reclassement, sans pour autant dispenser expressément l’employeur de son obligation dans les conditions.
La consultation des représentants du personnel
L’employeur doit consulter le CSE après la constatation de l’inaptitude par le médecin du travail et avant de proposer au salarié un poste ou, à défaut de poste, avant l’engagement de la procédure de licenciement.
Seule l’absence de CSE dans l’établissement étayé d’un procès-verbal de carence établi à l’issue du second tour de scrutin pourra justifier que l’employeur ne consulte pas les représentants du personnel.
Avant la réunion, l’employeur doit fournir au CSE toutes les informations nécessaires sur le reclassement telles que, par exemple, les conclusions du médecin du travail sur l’aptitude du salarié à exercer une tâche existante dans l’entreprise.
L’avis des représentants du personnel n’est que consultatif. Bien qu’il puisse guider l’employeur dans sa recherche d’un poste adapté aux capacités du salarié, le fait pour ces derniers de conclure à l’absence de possibilité de reclassement de l’intéressé ne libère pas l’employeur de son obligation de procéder à cette recherche.
Aucun formalisme particulier ne s’impose à l’employeur pour consulter les représentants du personnel, qui peuvent être convoqués par voie électronique.
Les critères de recherche d’un emploi de reclassement
L’employeur doit proposer au salarié un emploi approprié à ses capacités en tenant compte :
- des conclusions écrites du médecin du travail,
- des indications formulées par le médecin sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise,
- de sa capacité à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté,
- de la qualification et le niveau de formation du salarié.
Des actions peuvent être mises en place pour faciliter ce reclassement. A titre d’exemple, le contrat de travail du salarié peut être suspendu pour lui permettre de suivre un stage de reclassement professionnel.
Bien que l’emploi de reclassement ne doive en principe pas entraîner de modification du contrat de travail du salarié reconnu inapte, si le seul poste disponible emporte une telle modification, il doit être proposé à l’intéressé.
L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque le salarié s’est vu proposer un emploi conforme aux critères indiqués ci-dessus.
Lorsque l’inaptitude d’un travailleur handicapé est d’origine professionnelle et qu’une transformation de son poste est nécessaire, l’employeur peut bénéficier d’une aide de l’Agefiph (C. trav. art. R 1226-9).
Le périmètre de recherche
Le reclassement doit être recherché parmi les emplois disponibles dans l’Ogec, y compris ceux en CDD.
L’Ogec n’est pas tenu de rechercher des postes de reclassement auprès d’autres Ogec, même relevant de la même union départementale. Il peut certes prendre contact avec ces établissements pour aider le salarié à retrouver un emploi dans le cadre d’un reclassement externe mais c’est à titre purement facultatif, et le salarié ne peut lui reprocher de ne pas l’avoir fait.
La proposition de poste
La proposition de reclassement doit être formulée par écrit.
Le salarié dont l’inaptitude a été constatée peut très bien refuser l’offre de reclassement proposée par l’employeur. En toute hypothèse, le refus d’une proposition de reclassement ne permet pas d’imputer au salarié la responsabilité de la rupture.
Ainsi, le refus d’occuper le poste de reclassement proposé ne peut pas être assimilé à une démission et ne permet pas de recourir à un licenciement disciplinaire. De même, il n’est pas possible de rompre le contrat de travail par le biais d’une rupture conventionnelle car cela reviendrait à permettre à l’employeur de se soustraire aux garanties que la loi prévoit en faveur du salarié inapte.
Impossibilité de reclassement
Si l’employeur conclut à l’impossibilité de reclassement soit parce qu’aucun poste conforme n’est disponible, soit parce que le salarié a refusé le ou les postes proposés, il doit faire connaître à ce dernier, par écrit, les motifs s’opposant à son reclassement avant d’engager la procédure de rupture du CDI ou du CDD.
La brièveté du délai entre l’avis d’inaptitude et l’engagement de la procédure de licenciement peut démontrer l’absence de tentative sérieuse de reclassement, par exemple lorsque l’employeur conclut à l’impossibilité du reclassement le jour même de l’avis d’inaptitude ou le lendemain.
Dispense expresse de reclassement
L’employeur est dispensé de l’obligation de rechercher un reclassement si le médecin du travail indique expressément dans l’avis d’inaptitude que :
- « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé« ,
- ou que « l’état de santé de l’intéressé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi« .
Il est important que le médecin du travail fasse figurer ces mentions exactes sur l’avis d’inaptitude pour que l’employeur puisse être réellement libéré de son obligation de reclassement.
L’employeur peut alors engager la procédure de rupture du contrat de travail dès la constatation de l’inaptitude et par conséquent sans avoir à consulter les représentants du personnel.
Situations | Consultation du CSE avant d’envisager le licenciement |
Dispense de reclassement par le médecin du travail | Non |
Impossibilité de reclassement par l’employeur sans dispense de reclassement par le médecin du travail | Oui |
Reprise du versement du salaire
Puisqu’il est déclaré inapte, le salarié ne peut plus occuper son poste de travail. C’est pourquoi il ne peut pas non plus prétendre à une rémunération.
Toutefois, afin de ne pas laisser le salarié sans ressource sur une période trop importante et pour inciter l’employeur à agir assez rapidement, il est prévu que ce dernier dispose d’un délai d’1 mois à compter de la date à laquelle le médecin du travail déclare le salarié inapte pour :
- Soit reclasser le salarié ;
- Soit procéder à son licenciement ou à la rupture anticipée du CDD.
A défaut de reclassement ou de licenciement à l’expiration de ce délai, l’employeur a l’obligation de reprendre le versement de la rémunération du salarié quelle que soit l’origine de l’inaptitude, que celle-ci soit temporaire ou définitive ou encore si le salarié est déclaré inapte à tout emploi dans l’entreprise.
Le versement du salaire doit par ailleurs être repris même si la procédure de licenciement est en cours à cette date ou si le salarié a refusé un poste de reclassement.
Le salaire, qui correspond à l’emploi occupé avant la suspension du contrat de travail, est versé tant que le salarié n’est ni reclassé, ni licencié. Il doit comprendre l’ensemble des éléments de rémunération, y compris la partie variable.
L’employeur ne peut pas s’exonérer de son obligation en versant au salarié une indemnité de congés payés, ni le contraindre à prendre des vacances.
Rupture du contrat pour inaptitude
L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie :
- soit de son impossibilité de proposer un emploi de reclassement,
- soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions,
- soit d’une dispense expresse de recherche de reclassement par le médecin du travail.
La procédure de licenciement (CDI)
L’employeur doit prononcer le licenciement en respectant la procédure applicable en matière de licenciement pour motif personnel.
Il convient donc dans un premier temps de convoquer le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement.
Deux jours ouvrables minimum après l’entretien, l’employeur peut notifier le licenciement au salarié. Pour être suffisamment motivée, la lettre de licenciement pour inaptitude doit comporter la mention qu’il s’agit d’un licenciement pour inaptitude mais également, selon le cas de figure, la mention :
- d’un licenciement justifié par l’impossibilité de reclassement ;
- d’un licenciement justifié par le refus du salarié d’occuper le poste de reclassement proposé ;
- d’un licenciement justifié par l’avis d’inaptitude portant la mention « tout maintien dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé » ;
- ou d’un licenciement justifié par l’avis d’inaptitude portant la mention « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
La procédure de rupture anticipée du CDD
Il n’est pas nécessaire de tenir un entretien préalable pour rompre un CDD pour inaptitude à l’emploi. Toutefois il est à notre sens fortement conseillé de le faire.
Le salarié a droit à une indemnité de rupture d’un montant au moins égal à l’indemnité légale de licenciement, proratisée si la durée d’emploi est inférieure à un an.
Cette indemnité de rupture s’ajoute, le cas échéant, à l’indemnité de fin de contrat. Elle est versée à l’issue du contrat en même temps que le dernier salaire.
Faut-il respecter un préavis (CDI/ CDD) ?
Le salarié n’a pas à effectuer son préavis en cas de licenciement pour inaptitude.
Indemnités de licenciement pour inaptitude
L’inaptitude non professionnelle
Lorsque l’inaptitude du salarié n’est pas d’origine professionnelle et que l’employeur n’a pas pu le reclasser (absence de poste, refus du salarié ou dispense de recherche de reclassement), son licenciement lui donne droit au versement :
- d’une indemnité légale de licenciement s’il compte au moins 8 moins d’ancienneté ininterrompus au service de l’Ogec ;
- d’une indemnité compensatrice des congés payés.
Le préavis ne pouvant être effectué par le salarié en raison de son état de santé et, cette impossibilité n’étant ni du fait de l’employeur, ni du fait du salarié, l’indemnité de préavis n’est en principe pas due.
Toutefois, la durée du préavis que le salarié aurait dû effectuer s’il avait été présent doit être prise en compte pour le calcul de l’indemnité légale de licenciement et la date de rupture du contrat de travail demeure la date d’envoi de la lettre de notification du licenciement.
L’inaptitude professionnelle
Lorsque l’inaptitude du salarié est d’origine professionnelle (liée à un accident du travail ou une maladie professionnelle), son licenciement lui donne droit au versement :
- d’une indemnité spéciale correspondant au double de l’indemnité légale de licenciement sans condition d’ancienneté ;
- d’une indemnité compensatrice de préavis basée sur la durée légale (et non conventionnelle) ;
- d’une indemnité compensatrice de congés payés.
Non-respect par l’employeur de la procédure d’inaptitude
En cas de manquement de l’employeur à son obligation de reclassement
Le licenciement du salarié inapte est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsque l’employeur a manqué à son obligation de reclassement, notamment s’il prononce le licenciement pour inaptitude sans même rechercher des solutions de reclassement ou sans avoir effectué de recherches suffisamment sérieuses, etc.
Le licenciement est également dépourvu de cause réelle et sérieuse en l’absence de consultation du CSE ou en cas de consultation irrégulière.
L’indemnisation du salarié varie :
- Si l’inaptitude est d’origine non professionnelle, le salarié peut réclamer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse telle que fixée par le barème d’indemnisation de l’article L.1235-3 du Code du travail ;
- Si l’inaptitude d’origine professionnelle, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis, mais il ne s’agit pas d’une obligation et l’employeur comme le salarié peuvent la refuser. Si le salarié n’est pas réintégré, le juge octroie au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois et qui est calculée en fonction de la rémunération brute dont le salarié aurait dû bénéficier.
En cas d’absence de notification écrite des motifs s’opposant au reclassement du salarié.
L’employeur qui omet de faire connaître par écrit au salarié les motifs qui s’opposent à son reclassement peut être redevable de dommages et intérêts équivalents au préjudice subi par le salarié.
Dans cette hypothèse, le licenciement ne sera toutefois pas jugé abusif et le salarié ne pourra donc pas prétendre au versement de dommages et intérêts pour ce motif.