Note validée par la Commission comptabilité-gestion et le Conseil d’administration de la Fédération des OGEC – décembre 2018
Synthèse #
Le crédit-bail immobilier (CBI) est un produit peu adapté aux OGEC mais aussi aux associations telles que les associations immobilières diocésaines par exemple, dans la mesure où :
- Il s’agit d’un produit juridiquement complexe à manier, qui suppose des compétences en droit immobilier en particulier, dont ne disposent pas tous les OGEC, ni même les UDOGEC ;
- D’un point de vue financier, les niveaux de taux sont sensiblement les mêmes entre le CBI et le crédit hypothécaire classique. Les durées sont également les mêmes, dans la mesure où l’on peut financer l’investissement sur 20 ans (exceptionnellement au-delà) dans les deux cas. L’unique intérêt du CBI est de prendre en charge un financement à 100% (incluant terrain, frais d’acquisition, construction, VRD, honoraires, assurances construction, TVA…), plus difficile à négocier en crédit classique ;
- Le CBI est, dans une entreprise industrielle ou de services, un outil d’optimisation comptable, financière et fiscale. Dans la mesure où les OGEC sont des associations loi 1901, non soumises à l’IS, et que les problématiques « d’habillage de bilan » ne les concernent pas, ce dernier point ne trouve pas à s’appliquer pour les OGEC.
Notons néanmoins que toutes les entités, quelle que soit leur forme juridique, peuvent solliciter un crédit-bail. Elles peuvent le faire à n’importe quel stade de leur vie : lors de leur création comme au cours de leur développement.
Nous présentons en annexe de cette note un cas réel anonymisé où l’étude d’un financement par crédit-bail était opportune, en l’absence de possibilité alternative en crédit classique.
Toutefois, la FNOGEC préconise aux OGEC de n’étudier ce produit financier que dans le cadre d’opérations de constructions neuves d’envergure exceptionnelle. Le crédit classique avec garantie hypothécaire le cas échéant (après validation par le CEAS1) doit rester la norme.
Crédit-bail immobilier : considérations générales #
Dans un montage en crédit-bail immobilier, le crédit-bailleur, quel que soit le montage retenu (construction, achat d’un bâtiment, bail à construction, etc.) est juridiquement propriétaire du bien qu’il finance pendant la durée du contrat. Le crédit-bail immobilier sert à financer tout bien immobilier, à usage professionnel, à construire ou existant. Il porte sur des locaux à usage commercial, professionnel ou industriel. Les OGEC sont donc éligibles par la nature du bien financé.
- Contracter en crédit-bail immobilier
Une société de crédit-bail achète le bien construit, ou finance le bien à construire (le terrain si besoin est, et la construction). Dans le cas d’une construction, l’entreprise locataire (« crédit-preneur ») conserve la mainmise sur la maîtrise d’ouvrage. Pendant cette période, la société de crédit-bail immobilier paie les travaux. En parallèle, l’entreprise paie des pré-loyers correspondant aux intérêts sur les décaissements qu’effectue la société de crédit-bail. Pendant la durée du contrat, l’entreprise devra assumer les différentes charges de l’immeuble (entretien, assurances, impôts…).
- A l’issue du crédit-bail
En fin de contrat, le crédit-preneur a le choix entre deux possibilités :
- Ne pas lever l’option d’achat : ce choix est extrêmement rare, la valeur résiduelle fixée au départ étant, généralement, très faible ;
- Racheter le bien pour sa valeur résiduelle (fixée dans le contrat à la signature).
- Le cas particulier du lease-back (ou cession-bail)
L’association propriétaire ou l’OGEC cède un bien immobilier figurant à son actif à une société de crédit-bail qui le lui loue. Cette solution permet à l’association de trouver une trésorerie immédiate du fait de la vente du bien immobilier. Ces montages sont généralement réservés, hors aspect fiscal ou déconsolidant, à des biens valorisables sur le plan immobilier, donc bien situés et peu spécifiques, pour des associations ayant besoin de trésorerie. Le risque sur l’actif, en d’autres termes le bien d’Eglise, est réel.
D’après le Statut de l’Enseignement catholique, tout transfert de patrimoine immobilier doit faire l’objet d’un accord formel du CEAS auquel siège l’économe diocésain, représentant de l’Evêque du lieu.
En effet, rappelons qu’aux termes du texte adopté par la Conférence des Evêques de France le 6 novembre 1995 :
• Un contrat de crédit-bail doit être considéré comme un « acte d’administration extraordinaire » en ce qu’il affecte le patrimoine stable de l’association (propriétaire ou OGEC) ;
• Il s’agit d’une aliénation d’immeuble (« C-5. On entend par aliénations d’immeubles à usage scolaire les ventes, les apports et les donations ») ;
• Dans la mesure du possible, il convient de prendre en compte l’objectif de (D-9.) « stricte séparation entre la gestion du patrimoine immobilier et celle des établissements scolaires ». Or, sauf à avoir pour contrepartie une association immobilière d’envergure significative, le banquier souhaitera toujours, à plus forte raison en crédit-bail, avoir en face de lui l’OGEC. Dans le cas contraire, des garanties supplémentaires telles que la délégation de loyer à première demande, par exemple, pourraient être exigées.
- Est-il possible de céder l’immeuble avant le terme prévu dans le contrat de crédit-bail ?
Compte tenu de la durée des contrats de crédit-bail immobilier (généralement entre 12 et 20 ans, même s’il est possible de lever l’option d’achat après 7 ans), l’association peut être conduite à céder à un tiers, avant le terme du contrat, l’immeuble dont elle n’a plus l’usage (fermeture de site, regroupement, etc.). C’est l’une des difficultés majeures de la formule. L’association a deux possibilités :
- Exercer, de manière anticipée, la levée d’option prévue au contrat (acquisition de l’immeuble donc) puis revente de l’actif. Problème : paiement des droits de mutation sur la valeur résiduelle (qui peut être encore élevée) pour récupérer la propriété, puis la revente du bien déclenchera une nouvelle mutation ;
- Céder le contrat de crédit-bail à un tiers, qui se substitue à l’entreprise jusqu’au terme du contrat, lequel poursuit normalement ses effets. Il est très rare que cette option soit retenue par un acquéreur. Par ailleurs, le changement de contrepartie pour l’établissement financier implique que celui-ci délivre son accord.
Sans même parler de cession du patrimoine à un acheteur hors Enseignement catholique, la structure de détention de l’immobilier scolaire a fortement évolué ces dernières années avec une impulsion donnée aux associations immobilières diocésaines. L’existence d’un contrat de crédit-bail peut être problématique si l’on envisage, par exemple, la cession d’un bien d’une association propriétaire locale à une association diocésaine ou une fondation.
- Le financement d’extensions, d’aménagements et travaux de rénovation futurs
Si le développement du projet de l’OGEC le conduit à restructurer ou agrandir ses bâtiments, le crédit-bailleur a vocation à l’accompagner en mettant en place, au travers d’un avenant au contrat initial, le financement adapté.
Aspects financiers #
Il n’y a pas de différence significative sur le taux entre les deux formules (CBI / crédit classique). Les distinctions vont donc s’opérer sur des considérations « à la marge », comme la possibilité évoquée plus haut d’un financement total en CBI.
- Frais liés à un crédit hypothécaire
La garantie hypothécaire : c’est une garantie qui porte sur un bien immobilier, dont l’association est déjà propriétaire ou qu’elle va acquérir grâce à l’emprunt contracté. L’organisme prêteur garantit ainsi les fonds qu’il prête, et pourra, en cas de non-remboursement du crédit, obtenir la saisie et la vente du bien hypothéqué. Cette hypothèque doit être prise devant notaire et donne lieu à publication aux services de la publicité foncière. L’hypothèque dure aussi longtemps que le crédit. En cas de vente du bien immobilier avant la fin du crédit, il conviendra d’obtenir la mainlevée de l’hypothèque, qui entraîne des frais et le paiement de droits et taxes.
Dans les frais relatifs au crédit, il faut donc prendre en compte impôts, taxes, rémunération du notaire et frais d’hypothèque. La rémunération du notaire est fixée par décret.
- Frais liés à un contrat de crédit-bail immobilier
Un crédit-bail immobilier de plus de 12 ans (très grande majorité des cas) est astreint à publicité au Bureau des hypothèques. L’assiette de calcul est le montant cumulé des loyers hors taxe, diminué des frais financiers versés par le preneur.
De même, des loyers perçus trimestriellement d’avance ou semestriellement à terme échu donneront des résultats actuariels très différents.
- Droits d’enregistrement et taxes de publicité foncière
Chaque année, les conseils départementaux fixent le tarif de la taxe de publicité foncière ou des droits d’enregistrement exigibles sur les mutations à titre onéreux d’immeubles ou de droits immobiliers. Ils peuvent également, à titre facultatif, instituer un abattement sur l’assiette de ces droits, réduire le taux de ces droits jusqu’à 0,7% pour certaines mutations et voter des exonérations pour certains types de cessions.
Considérations fiscales et comptables : pour mémoire et information #
L’article 57 de la loi du 4 février 1995 définissant le régime applicable depuis 1996 aux nouvelles opérations de crédit-bail a réglementé la déductibilité des loyers de crédit-bail immobilier, qui constituent donc une catégorie particulière de charges pour les entreprises.
- Déductibilité fiscale des redevances de crédit-bail
Les loyers de crédit-bail sont intégralement déductibles du résultat imposable du crédit-preneur. Cependant, la part de l’Amortissement relative au terrain n’est pas fiscalement déductible. L’Amortissement du terrain étant réputé intervenir après celui des frais d’acquisition et des constructions, les derniers loyers du crédit-bail ne sont que partiellement déductibles (sauf si le montant de la valeur résiduelle est supérieur à la valeur du terrain). Le crédit-bailleur fournit à son client un tableau lui permettant de déterminer les montants à prendre en compte.
Pour les sociétés soumises à l’IS, part de marché principale des opérations en CBI, le crédit-bail est donc un outil permettant de différer le paiement d’impôt. Il produit un gain financier actuariel lié au décalage du paiement de l’IS dans le temps.
- Impact sur l’analyse financière des associations de l’Enseignement catholique (propriétaire ou OGEC)
En cas de financement par CBI, il convient d’être prudent dans l’analyse des performances financières de l’entité, en particulier en ce qui concerne la capacité d’autofinancement (CAF).
En effet :
• En crédit classique : on déduit de la CAF les frais financiers et on l’augmente de la quote-part annuelle d’amortissements ; l’Amortissement du prêt en principal est constaté par une écriture de bilan ;
• En CBI : les loyers sont déductibles selon les modalités décrites ci-dessus. Aucun Amortissement n’est constaté puisque le bien n’est pas à l’actif de la structure associative. Une comparaison pertinente dans la durée doit donc prendre la CAF avant loyers.
Ce retraitement (à des fins d’analyse) n’est pas toujours pratiqué, bien que les deux lignes (CAF avant loyers / CAF après loyers) apparaissent clairement dans l’application Indices.
- Qu’advient-il de l’exonération de taxe d’aménagement ?
Les constructions réalisées pour des associations gérant des établissements d’enseignement privés sous contrat avec l’État sont exonérées de taxe d’aménagement (voir fiche pratique : http://www.FNOGEC.org/immobilier/fiscalite-immobiliere/la-taxe-damenagement).
Dans le cadre d’un crédit-bail immobilier, le crédit-preneur est titulaire du permis de construire et maître d’ouvrage délégué. C’est lui qui est titulaire des autorisations administratives et qui est redevable, le cas échéant, de la taxe d’aménagement. Le permis de construire n’est pas transféré au crédit-bailleur. Donc l’exonération de taxe d’aménagement étant liée à la qualité de la personne titulaire de l’autorisation, elle est acquise quel que soit le mode de financement retenu pour la construction.
- Garanties complémentaires éventuelles demandées par la banque
Dans la mesure où la banque va avoir la propriété juridique de l’actif pendant la durée du contrat, elle va examiner deux types de risques :
- Immobilier : valeur du bien au regard de son état, sa situation, possibilités de revente en cas de défaillance du preneur, etc.
- Contrepartie évidemment : in fine, c’est l’OGEC qui règle les loyers. Si l’OGEC est en direct dans l’opération, celle-ci ne nécessitera pas de garanties complémentaires a priori. Si, en revanche, l’opération se fait par l’intermédiaire d’une association propriétaire, une demande de cession de loyers ou de nantissement de valeurs mobilières peut être envisagée par l’établissement bancaire.
Conclusion #
- Aucun avantage financier ou fiscal dans les comptes de l’association.
- Taux d’intérêt à peu près similaires à ceux du crédit classique.
- Transfert de propriété d’un bien d’Eglise.
- Suivi difficile du contrat en cours de vie : si des travaux doivent être réalisés dans le bâtiment (ce qui est quasiment certain sur une durée de 15 à 20 ans), le crédit-bailleur n’a pas d’obligation de les financer. En cas de refus par le comité de crédit et financement en direct ou par un crédit classique auprès d’un autre établissement, cela revient à redonner de la valeur à un bien qui, juridiquement, n’est pas la propriété de l’Enseignement catholique. Or, les bénévoles et chefs d’établissement à l’origine du projet se renouvellent. Il est également difficile de céder l’immeuble en cours de contrat (très difficile de vendre un contrat de CBI).
- Montage juridique complexe à appréhender dans le cadre de regroupement d’OGEC ou associations immobilières.
- Pression énorme de la banque en cas de cessation de paiements, qui va obliger la tutelle à refinancer l’opération, au risque de perdre le bâtiment, voire le terrain. En effet, en crédit classique, selon les spécificités de l’immobilier (à voir au cas par cas donc), l’établissement bancaire n’a pas nécessairement intérêt à faire jouer sa garantie hypothécaire. En crédit-bail, il est propriétaire depuis l’origine du contrat, ce qui modifie très significativement l’approche du risque.