- Contexte : la réforme de l'apprentissage depuis la loi "Avenir professionnel"
- De quels documents dispose-t-on pour apprécier les incidences fiscales de la réforme de l'apprentissage sur les OSBL (organismes sans but lucratif) ?
- Quels éléments d'analyse permettent de considérer l'activité de formation par apprentissage comme non-lucrative ?
- Un rescrit fiscal particulier qui conforte cette analyse
Fiche réalisée en coopération avec le CNEAP et avec le concours de Maître Jean-Philippe Kapp, avocat.
L’objet de cette fiche est l’analyse des activités d’apprentissage exercées par les centres de formation d’apprentis (CFA) et les unités de formation par apprentissage (UFA) au regard des règles fiscales des organismes sans but lucratif.
Contexte : la réforme de l’apprentissage depuis la loi « Avenir professionnel » #
Quelques phrases formulées par France Compétences donnent un aperçu du fonctionnement de l’apprentissage depuis la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel :
« La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a profondément réformé l’apprentissage pour le développer massivement à tous les niveaux de qualification. » […]
« La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel en transforme les modalités pour renforcer l’attractivité de cette voie de formation. » […]
« La loi du 5 septembre 2018 a ouvert le champ des CFA en permettant à tout dispensateur de formation déclaré, de mettre en œuvre des actions d’apprentissage. » […]
Quel est l’impact de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel sur l’analyse des conditions de la non-lucrativité en matière d’activité de formation par apprentissage ?
Jusqu’à cette loi, les formations par apprentissage étaient mises en place par des CFA rattachés soit à des établissements scolaires publics, soit à des associations gérant des établissements scolaires privés.
Il en résultait que cette activité d’apprentissage était considérée comme non-lucrative, en l’absence totale de concurrence avec des entreprises du secteur marchand.
Or, depuis la loi du 5 septembre 2018, des entreprises du secteur marchand peuvent constituer des CFA dits « d’entreprise » qui mettent en place des formations par apprentissage.
La question se pose de savoir si cette nouvelle situation, et plus particulièrement l’entrée dans le secteur de la formation par apprentissage de nouveaux intervenants « lucratifs », est de nature à modifier l’analyse du caractère non-lucratif de cette activité.
De quels documents dispose-t-on pour apprécier les incidences fiscales de la réforme de l’apprentissage sur les OSBL (organismes sans but lucratif) ? #
Le seul document « officiel » qui évoque cette question est le Précis de l’apprentissage publié par la DGEFP en septembre 2021 :
L’affirmation selon laquelle « le statut associatif n’implique pas forcément une absence d’imposition » n’est pas nouvelle : elle fait référence à la doctrine fiscale en vigueur depuis 1999 pour déterminer le caractère lucratif ou non lucratif des activités des OSBL.
Pour mémoire, la grille d’analyse des activités exercées par des organismes sans but lucratif prévoit 3 phases d’analyse successives permettant de considérer qu’une activité est effectivement non-lucrative :
- En premier lieu, s’assurer que l’organisme considéré a une gestion désintéressée ;
- Ensuite, si c’est le cas, s’assurer qu’il n’exerce pas son activité en concurrence avec des entreprises du secteur marchand ;
- Enfin, si une telle concurrence existe, s’assurer que ses méthodes de gestion s’éloignent de celles des entreprises du secteur marchand (analyse dite des « 4 P »).
Avant l’entrée en vigueur de la loi du 5 septembre 2018, les organismes ayant effectivement une gestion désintéressée pouvaient considérer qu’ils ne se trouvaient pas en concurrence avec des entreprises du secteur marchand, puisque l’activité de formation par apprentissage n’était exercée que par des établissements publics ou d’autres organismes sans but lucratif.
Ils pouvaient donc, dès la deuxième phase de l’analyse, considérer que leur activité était non-lucrative, sans avoir à mettre en œuvre la troisième phase, tenant aux conditions de gestion.
La possibilité pour les entreprises de créer des CFA et donc d’exercer une activité de formation par apprentissage, introduite par la loi du 5 septembre 2018, est-elle de nature à changer cette analyse ?
Du fait de l’existence de ces CFA d’entreprise, les CFA gérés par des associations doivent-ils considérer qu’ils sont désormais nécessairement en concurrence avec des entreprises du secteur marchand et doivent-ils, en conséquence, analyser systématiquement le caractère lucratif ou non de leur activité de formation par apprentissage en appliquant la règle des « 4 P » ?
Quels éléments d’analyse permettent de considérer l’activité de formation par apprentissage comme non-lucrative ? #
Il nous semble que la formation par apprentissage, au même titre que la formation initiale à laquelle elle se rattache, constitue une activité non-lucrative par nature, comme relevant d’un service public de l’éducation, et que, à ce titre, le fait que cette activité soit exercée par de nouveaux intervenants, rattachés à des entreprises du secteur marchand, n’a pas pour effet de la rendre lucrative.
Ce sont ces CFA « d’entreprise », et non les entreprises elles-mêmes, qui exercent l’activité de formation par apprentissage. Les CFA de l’enseignement sous contrat ne se trouvent donc pas en concurrence directe avec des entreprises mais avec d’autres CFA.
Il nous semble par ailleurs que, dans la mesure où les règles de fonctionnement de ces CFA d’entreprise, leur mode de financement par des fonds publics ou l’exercice du contrôle pédagogique par les institutions compétentes sont identiques à ceux des CFA publics ou associatifs, on devrait pouvoir considérer que ces CFA d’entreprise s’insèrent dans un secteur non-lucratif par nature mais que leur entrée n’a pas pour effet de rendre lucratif l’ensemble de ce secteur.
A cet égard, il nous semble également que le fait que ces CFA d’entreprise puissent être eux-mêmes soumis aux impôts commerciaux, notamment parce qu’ils seraient constitués sous la forme de sociétés de capitaux, ne peut pas non plus être de nature à entraîner la qualification de lucrative de l’ensemble de l’activité de formation par apprentissage, qui reste non-lucrative par nature.
Un rescrit fiscal particulier qui conforte cette analyse #
Dans un rescrit fiscal particulier qui a été porté à notre connaissance et qui est postérieur à la loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel, l’administration précise que « Les formations initiales sont considérées comme non lucratives au sens de la doctrine administrative publiée au BOFIP-Impôt BOI-IS-CHAMP-10-50-10-10. Il en est de même des formations diplômantes lorsque le diplôme délivré est reconnu par l’Etat. » Plus loin, le rescrit précise que « L’activité de formation initiale d’apprentis est non-lucrative, donc en principe non soumise aux impôts commerciaux. »
Le précis de l’apprentissage confirme que l’apprentissage fait partie intégrante de la formation initiale :
L’apprentissage relève de la formation initiale professionnelle, il « concourt aux objectifs
éducatifs de la Nation ».
La Fédération nationale des OGEC estime qu’au regard de la documentation dont elle dispose actuellement, notamment ce rescrit particulier postérieur à la loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel, il est cohérent de considérer que l’activité d’apprentissage relevant de la formation initiale, elle n’est pas par nature une activité lucrative.
Toutefois, cette appréciation ne saurait engager sa responsabilité en cas de contentieux. Les associations qui souhaiteraient s’assurer de la position de l’administration fiscale peuvent faire des demandes de rescrit particulières auprès des directions des finances publiques locales.