Rédigé le 6/11/2025
Les salariés occupant des fonctions de gardiennage, de maintenance technique ou informatique ou de sécurité peuvent être amenés à effectuer des astreintes. La Convention collective EPNL le permet, mais les éléments de mise en œuvre concrète et de compensation doivent être fixés au sein de chaque établissement.
Temps de travail versus période d’astreinte #
La période d’astreinte n’est pas, en principe, du temps de travail effectif #
L’astreinte est la « période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise »
(C. trav., art. L. 3121-9).
Ainsi, l’astreinte se définit par trois critères :
- le salarié n’est pas sur son lieu de travail,
- il peut vaquer librement à ses occupations,
- il est en mesure d’intervenir pour accomplir un travail, dans l’établissement ou en distanciel.
Le salarié n’a pas l’obligation de rester à son domicile pendant la période d’astreinte.
En principe, la période d’astreinte ne constitue pas du temps de travail effectif, dès lors que le salarié peut librement disposer de son temps tout en restant joignable pour intervenir si besoin. Cependant, lorsque les contraintes imposées par l’employeur sont telles qu’elles restreignent très fortement la liberté du salarié (délai d’intervention très court, obligation de rester sur un lieu déterminé, fréquence élevée des sollicitations, impossibilité de vaquer à ses occupations personnelles), toute la période d’astreinte peut être requalifiée en temps de travail effectif. Cette interprétation découle de la jurisprudence européenne (CJUE 9 mars 2021, C-344/19, D.J. c/Radiotelevizija Slovenija) et a été confirmée par la Cour de cassation française. La Cour de cassation (Cass. soc. 26 octobre 2022, n°21-14.178 et Cass. soc. 21 juin 2023, n°20-21.843) juge également que la qualification d’une période d’astreinte dépend des contraintes concrètes imposées au salarié : lorsque ces contraintes affectent objectivement et très significativement la faculté du salarié de gérer librement le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles, l’ensemble de la période doit être considéré comme du temps de travail effectif.
En outre, la circulaire DRT no 2003-06 du 14 avril 2003 recommande de ne pas placer trop fréquemment un salarié en position d’astreinte, afin d’éviter tout risque de recours abusif.
Les temps d’intervention et de déplacement sont du temps de travail effectif #
Sont considérés comme temps de travail effectif :
- Le temps d’intervention est considéré comme du temps de travail effectif et doit être rémunéré comme tel. S’il s’agit d’une intervention téléphonique, celle-ci sera rémunérée à compter du moment où le salarié décroche et jusqu’au moment où le salarié raccroche.
- Le temps de déplacement (aller-retour) pour se rendre sur le lieu d’une intervention ou d’un dépannage également un temps de travail effectif.
Ainsi, le décompte des heures travaillées débute dès que le salarié est contacté et se termine soit à la fin de l’intervention téléphonique soit au retour du salarié à son domicile (ou sur un autre lieu d’astreinte).
Les interventions et les temps de déplacement sont des temps de travail effectif, par conséquent :
- ils doivent donc être comptabilisés pour s’assurer que les durées maximales de travail quotidienne (10 heures), hebdomadaire absolu (48 heures) et hebdomadaire moyenne (44 heures sur 12 semaines) sont respectées ;
- ils sont soit rémunérés, soit récupérés au taux légal en vigueur, et donnent lieu le cas échéant à majoration s’il s’agit d’heures supplémentaires, complémentaires ou d’heures de nuit.
En outre, le salarié perçoit un remboursement des frais de transport engagés pour l’intervention (barème fiscal) désignée compensation conventionnelle.
Mettre en place l’astreinte #
L’article 5.1.1.2 de la Convention collective EPNL autorise les établissements de la branche à mettre en œuvre des astreintes. Certains éléments d’organisation et de rémunération sont à définir au sein de chaque établissement souhaitant mettre en place des astreinte.
La négociation ou la rédaction d’une DUE #
L’astreinte a trait à l’organisation du temps de travail, ce thème relève donc de la négociation obligatoire. Ainsi, il convient dans un premier temps d’inviter les représentants du personnel afin d’ouvrir des négociations. (Rédiger un accord collectif | Isidoor)
En cas d’échec des négociations ou d’absence de représentants du personnel, l’employeur rédige une décision unilatérale pour déterminer les modalités et la compensation de l’astreinte, après information et consultation du CSE et information de l’agent de contrôle de l’inspection du travail.
L’astreinte trouve sa source dans un accord collectif, elle s’impose donc au salarié sans entraîner de modification du contrat de travail. Conformément à l’article 5.1.1.2, une clause informative sera néanmoins ajoutée au contrat de travail des salariés concernés pour préciser les compensations des périodes d’astreinte.
Le contenu d’un accord ou d’une DUE #
L’accord ou la DUE mentionne obligatoirement :
- Le mode d’organisation des astreintes : postes concernés, fréquence et répartition des astreintes, plages horaires des astreintes, etc. ;
- La compensation des périodes d’astreinte : elle peut être de nature financière (par exemple : prime forfaitaire, pourcentage du salaire horaire, avantage en nature etc.) ou prendre la forme de temps de repos.
Informer les salariés #
Les salariés concernés par les périodes d’astreinte sont informés :
- par la remise de leur programme de répartition de la durée de travail (PRDT) intégrant les périodes d’astreinte ;
- pour les salariés temps constant, par la remise à la rentrée, d’une programmation individuelle d’astreintes. Cette programmation peut être modifiée en respectant un délai de 15 Jours calendaires.
En cas de circonstances exceptionnelles, et spécifiquement pour les astreintes, le délai de révision du PRDT et de la programmation individuelle d’astreintes peut être réduit à 1 Jour franc.
Organiser l’astreinte #
L’articulation entre astreinte, repos, jour à 0h et congés #
Les salariés peuvent être d’astreinte :
- durant leur repos quotidien (le soir, la nuit, …),
- durant leur repos hebdomadaire (le weekend),
- durant les jours à 0 heure pour les salariés en répartition pluri-hebdomadaire du temps de travail,
- durant les jours fériés.
En revanche, il est impossible d’être en astreinte durant les congés payés et durant les périodes de suspension du contrat de travail (arrêt maladie, maternité, paternité, accident de travail etc.). En effet, lorsqu’un salarié est en astreinte il peut être amené à travailler, or il est rigoureusement interdit de faire travailler un salarié durant ses congés payés ou durant des périodes de suspension de contrat.
Le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire #
Exception faite de la durée des interventions du salarié, les périodes d’astreinte sont décomptées dans les durées minimales de repos quotidien (12 heures) et hebdomadaire (36 heures). Lorsque le salarié n’a pas été amené à intervenir pendant la période d’astreinte, l’astreinte est donc intégralement décomptée dans le temps de repos quotidien et hebdomadaire.
Attention, les durées minimales de repos s’entendent en heures consécutives. Il faudra donc veiller à ce que, malgré les temps de travail effectifs qui peuvent ponctuer la période d’astreinte, le salarié puisse bénéficier d’un repos quotidien d’au moins 12 heures et d’un repos hebdomadaire d’au moins 36 heures sans aucun temps de travail effectif.
Prenons un exemple :
- un salarié travaille de 9h à 18h,
- il est d’astreinte de 18h à 7h, il a été amené à intervenir à 23h.
- il travaille à nouveau de 9h à 18h.
Le salarié a donc été en repos pendant 5 heures (de 18h à 23h), puis pendant 10 heures (de 23h à 9h). Ainsi, il n’a pas bénéficié d’un repos quotidien d’au minimum 12 heures consécutives.
Suivre les astreintes #
Le suivi des interventions pendant l’astreinte #
Une fiche d’intervention est rédigée par le salarié qu’il remet à son responsable hiérarchique. Ce document devra indiquer les dates, heures et durée d’intervention (appels téléphoniques, déplacements etc.).
Le suivi du temps d’astreinte #
L’employeur remet, en fin de mois, à chaque salarié concerné, un document récapitulant le nombre d’heures d’astreinte qu’il a accomplies au cours du mois écoulé, ainsi que la compensation correspondante.
Ce document est également tenu à la disposition des agents de contrôle de l’inspection du travail pendant un an.
Lors de l’entretien de suivi de la charge de travail (prévu à l’article 5.1.1.9 de la CCEPNL), est portée une attention particulière à l’impact du recours au dispositif d’astreinte sur la charge de travail du salarié et sur l’adaptation des compensations prévues. Conformément au même article, en cas de difficulté portant sur des aspects organisationnels ou de charge de travail ou d’isolement professionnel, le salarié a la possibilité d’alerter, par écrit, son responsable qui le reçoit dans les 7 Jours calendaires.
Textes de référence : Article 5.1.1.2 de la CC EPNL (modifié par l’avenant du 2 juillet 2024) ; C. trav., art. L. 3121-9 à L. 3121-12 ; C. trav., art. R. 3121-2 ; C. trav., art. D.3171-16 ; Circulaire DRT no 2003-06 du 14 avril 2003
