Réviser et dénoncer un accord collectif

Dernière modification : 9 février 2023
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Avant de réviser ou de dénoncer un accord, il faut connaitre la différence entre les deux actes, leur régime et leur modalités.

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Créée le 5 janvier 2022

Distinguer révision et dénonciation

L’accord collectif inscrit ses effets dans le temps, le besoin d’adaptation et donc de révision est dans la logique des choses.

Lorsque les accords d’entreprise sont à durée déterminée (5 ans au plus), ils cessent de produire effet à la survenance de leur terme. Leur révision est moins naturelle que pour les accords collectifs à durée indéterminée.

La dénonciation est la remise en cause de l’accord lui-même. Elle n’est possible que pour les accords à durée indéterminée.

En pratique, le choix entre les deux procédures dépendra de la ou les problématique(s) traitée(s) par l’accord, la situation particulière de chaque OGEC, de la capacité à pouvoir signer un accord de révision ou de substitution, de l’analyse des délais qu’induit chaque procédure etc. Parfois, le passage par la dénonciation est nécessaire. Aucune solution pré-établie n’est en tout cas envisageable.

La révision

Engager la révision et avec qui négocier

L’engagement de la procédure

L’article L. 2261-7-1 du Code du travail détermine les organisations syndicales représentatives habilitées à engager la procédure de
révision d’un accord d’entreprise ou d’établissement.
Ainsi, jusqu’à la fin du cycle électoral au cours duquel la convention ou l’accord est conclu, peuvent engager la procédure de révision une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans le champ d’application de la convention ou de l’accord et signataires ou adhérentes de la convention ou de l’accord.

En règle général c’est l’employeur qui engage la procédure.

Qui négocie et qui signe ?

Il y a plusieurs lectures et des réponses controversées :

  • soit seules les signataires représentatives peuvent négocier et signer ;
  • soit l’ensemble des organisations représentatives peuvent négocier et signer ;
  • soit l’ensemble des organisations représentatives peuvent négocier et seule une organisation signataire ou ayant adhéré peut signer.

Le juge répondra à cette question. Dans l’attente et compte tenu du risque de nullité, il faut selon nous être mesurés:

Autant les organisations non signataires et non adhérentes ne peuvent pas engager la procédure de révision (vor ci-dessus), autant les priver d’accès à la négociation, une fois celle-ci ouverte par d’autres, peut paraître excessif.

On ne peut que conseiller, par sécurité, de convoquer toutes les organisations syndicales représentatives et privilégier la signature qu’aux signataires initiaux ou ayant adhéré.

Difficile en effet de prétendre que des non signataires peuvent interpréter un accord qu’ils n’ont pas signé encore plus de leur donner la possibilité de le réviser.

Si une telle option est choisie et si parmi les organisations représentatives il n’y a pas plus une organisation signataire, il faudra passer par la dénonciation.

Si à l’issue du ce cycle électoral, il n’y a plus d’organisations syndicales représentatives; les règles de négociation en l’absence de délégué syndical trouvent à s’appliquer à l’avenant de révision. Voir la fiche Comment négocier un accord collectif ? Isidoor

Les modalités de négociation

Le Code du travail impose de déterminer les formes selon lesquelles et le délai au terme duquel la convention ou l’accord pourra être révisé (C. trav., art. L. 2222-5). Voir Comment doit-on rédiger un accord collectif ? Isidoor

L’absence d’une telle clause avait conduit la Cour de cassation à exiger le consentement unanime des signataires pour engager la révision lorsque l’accord initial ne prévoyait pas les modalités de sa révision. Si cette jurisprudence n’est plus d’actualité, le Code du travail déterminant expressément les personnes habilitées à engager la procédure de révision (voir ci-dessus), la clause de révision n’est toutefois pas devenue inutile. Elle déterminera notamment le moment de la révision, le formalisme et les éventuels délais de négociation.

A défaut d’une telle clause (l’accord initial n’est pas nul), il peut être utile de négocier en amont un accord de méthode fixant ces modalités.

Notion d’avenant
La circulaire DRT no 09 du 22 septembre 2004 a retenu un critère formel : « Il faut que l’avenant soit explicité formellement comme portant révision d’une convention ou d’un accord ».
C’est aux parties de préciser dans le titre et dans le préambule leur intention. Quel est l’objectif de la révision ? Modifier, supprimer, insérer une nouvelle stipulation dans un accord déjà existant. Il est d’usage de qualifier d’avenant lorsqu’il s’agit de réviser, de moderniser le dispositif. Lorsqu’il s’agit de modifier en profondeur « l’économie général du contrat collectif » les parties choisissent le terme d’accord en précisant bien que l’accord annule et remplace le précédent. Cette technique d’annule et remplace est souvent très utile pour permettre une lisibilité du corpus conventionnel applicable. Un accord avec trois avenants qui modifient qu’une partie d’article sont tout de même moins accessible pour le salarié et l’employeur. Mieux vaut en effet un texte « consolidé » pour éviter des incompréhension ou des contentieux sur le contenu et la date d’application des textes successifs.

Conditions de validité de l’avenant

L’avenant est un accord soumis aux règles de validité de droit commun. Un renvoi est ainsi opéré « à la section 3 du chapitre II, du titre III du présent livre II » pour la validité d’un avenant portant révision d’un accord d’entreprise (C. trav., art. L. 2261-7-1 II). Voir la fiche Comment négocier un accord collectif ? Isidoor

Il conviendra aussi de vérifier le respect des conditions de révision déterminées par l’accord collectif initial. Si par exemple la révision nécessite un préavis, il faudra le respecter; à défaut la nullité peut être encourue.

Une fois signé et déposé, l’avenant se substitue de plein droit aux stipulations de la convention ou de l’accord qu’il modifie et il est opposable.

La Dénonciation

Qui peut dénoncer ?

Seules les parties signataires de l’accord peuvent le dénoncer. Cette dénonciation doit émaner soit de l’employeur, soit de l’ensemble des organisations syndicales signataires.

Si la dénonciation est le fait d’une partie seulement des signataires salariés. L’acte continue à s’appliquer.

Lorsque l’une des organisations syndicales de salariés signataires de la convention ou de l’accord perd la qualité d’organisation représentative dans le champ d’application de cette convention ou de cet accord, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans son champ d’application, non signataire, mais ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés, peut valablement le dénoncer (C. trav., art. L. 2261‐10).

Forme de la dénonciation

Les conditions de dénonciation de l’accord doivent être fixées par l’accord lui‐même. Cela recouvre la forme de la dénonciation (lettre recommandée, par exemple) et surtout la durée du préavis à respecter.
À défaut de précision, la durée du préavis est de trois mois.

La dénonciation, qui ne requiert pas la consultation du comité social et économique (C. trav., art. L. 2312‐14, al. 2), doit être notifiée aux signataires (C. trav., art. L. 2261‐9, al. 3) et aux adhérents.
Le Code du travail ne précise pas si la dénonciation doit être notifiée aux seules organisations syndicales représentatives. Le législateur n’ayant pas opéré de distinction, contrairement à ce qu’il a fait pour la révision, il est plus prudent de notifier à tous les syndicats signataires qu’ils aient ou non perdu leur représentativité.


Pour prendre effet, la dénonciation doit être aussi déposée dans les mêmes conditions que le dépôt de l’accord collectif (C. trav., art. L. 2261‐9, al. 4).

À noter que de principe c’est la date de dépôt de la dénonciation qui fait courir le délai du préavis.
Certains jugements de première instance concluent l’inverse : pour éviter tout risque il est conseillé d’intégrer la date de réception par les OS du courrier comme date à partir de laquelle le délai de préavis court.

Sauf clause contraire de la convention ou de l’accord collectif, il n’y a pas à justifier de sa décision de le dénoncer.

Elle peut intervenir à tout moment sauf clause spécifique dans l’accord dénoncé. Attention, pendant la négociation obligatoire dans l’entreprise, aucune mesure unilatérale n’est possible. La dénonciation en est une (C. trav. art., L. 2242-4).

Effets de la dénonciation

L’article L. 2261‐10 du Code du travail prévoit le maintien de l’accord dénoncé jusqu’à l’entrée en vigueur d’un nouvel accord ou, à défaut, pendant une durée d’un an à compter de la fin du préavis ( 3 mois sauf clause différente).
Pendant ce délai de survie, l’accord collectif continue à produire ses effets. Il en résulte que les salariés, y compris ceux embauchés après la dénonciation, continuent à bénéficier des avantages prévus par l’accord dénoncé.
Une nouvelle négociation s’engage, à la demande d’une des parties intéressées, dans les trois mois qui suivent le début du préavis. Elle peut donner lieu à un accord, y compris avant l’expiration du délai de préavis (C. trav., art. L. 2261‐10).
Toutes les organisations syndicales de salariés représentatives doivent être invitées à la négociation, y compris les non signataires de l’accord.
Deux hypothèses peuvent se présenter à l’issue de la période de survie :

  • soit l’accord dénoncé a été remplacé par un accord substitution avant l’expiration du délai de survie, les dispositions de l’accord se substituent de plein droit à celles de l’accord dénoncé ;
  • soit l’accord dénoncé n’a pas été remplacé, il cesse de produire effet mais les salariés embauchés avant la dénonciation conservent, au‐delà de ce délai, en application de la convention ou de l’accord dénoncé, une rémunération dont le montant annuel, pour une durée de travail équivalente à celle prévue par leur contrat de travail, ne peut être inférieur à la rémunération versée lors des douze derniers mois (C. trav., art. L. 2261‐13). Le maintien de la rémunération versée est celle en application de la convention ou de l’accord dénoncé et du contrat de travail. Cette garantie de rémunération peut être assurée par le versement d’une indemnité différentielle entre le montant de la rémunération qui était due au salarié en vertu de la convention ou de l’accord dénoncé et de son contrat de travail et le montant de la rémunération du salarié résultant de la nouvelle convention ou du nouvel accord, s’il existe, et de son contrat de travail.

Pendant la période de survie consécutive à la dénonciation, l’accord collectif dénoncé continue de recevoir pleinement application, sans qu’il y ait lieu de se référer aux dispositions relatives au maintien de la rémunération.

Avantages Individuels Acquis
la notion d’avantage individuel acquis a disparu du Code du travail en 2017 au profit du « maintien de rémunération ». Il n’y a pas de maintien obligatoire en cas de dénonciation d’éventuels AIA pour les salariés qu’il aient été embauchés avant ou après la dénonciation et cela même si le nouvel accord est moins favorable ou à défaut d’accord de substitution.

Convention collective de Branche et accords d’entreprise existant

Les accords d’entreprise du passé demeurent malgré la signature d’une nouvelle mouture de la Convention collective. Mais quelques questions sont à se poser sur l’articulation entre les nouvelles stipulations et celles des accords collectifs.

Voir la fiche Articulation convention collective de Branche et accords d’entreprise – Isidoor

Textes : C. trav., art. L. 2222-5; C. trav. art., L. 2242-4; C. trav., art. L. 2261-7-1 ; C. trav., art. L. 2261‐10; C. trav., art. L. 2261‐13; C. trav., art. L. 2261-7-1 II; C. trav., art. L. 2312‐14, al. 2;
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